Federle, l’apollinien et le dionysiaque

Certaines œuvres sont si puissantes qu’elles imposent d’emblée un style qui devient comme une marque de reconnaissance immédiate du travail de leur auteur. Au risque parfois d’oblitérer la diversité d’une démarche en réalité plus complexe. L’exposition que le Musée des Beaux-Arts de Nantes consacre au peintre suisse Helmut Federle est l’occasion de prendre la pleine mesure d’une œuvre que l’on a trop souvent cantonnée à une peinture « façon art concret », aux formes géométriques noires, puissantes et rigoureuses. Peut-être que comme le note Guy Tosatto, directeur de l’institution nantaise et commissaire de l’exposition, « il est des œuvres qui se dérobent au discours. Des œuvres dont l’affirmation plastique, la puissance de silence et la force intérieure suffisent pour les imposer au regard ». Né à Soleure en 1944, Helmut Federle développe une œuvre peinte qui en appelle en fait aux deux pôles opposés de sa sensibilité, dans une qualité qui n’est pas sans rappeler les deux grandes orientations que Nietzsche attribue à l’art : l’apollinien et le dionysiaque. « D’un côté, l’aléatoire, l’organique, le baroque ; de l’autre, le rationnel, le géométrique, le classique... Deux pôles que le peintre, au fil des années, fait fusionner, dans une démarche sans doute plus intuitive que raisonnée... », précise Tosatto. Les dessins, collages, photographies et peintures regroupés sur le mode rétrospectif constituent, par leur manière abstraite, une œuvre en quête de structure. « Je suis déchiré entre le radicalisme d’un énoncé et sa mise en question », confie l’artiste comme pour mieux faire entendre qu’au-delà de son aspect formel, toute œuvre d’art est un lieu « d’orientation de l’être ».