Pour la deuxième année consécutive, le Musée des beaux-arts de Bordeaux, riche d’un fonds d’œuvres sur papier d’environ cinq mille numéros, s’associe à la Fête de l’estampe en programmant une exposition du graveur Philippe Mohlitz (né en 1941).
Figure confidentielle de la gravure, formé par Jean Delpech – Mohlitz a tenu à lui rendre hommage en plaçant une estampe de 1946 en ouverture de l’accrochage –, Philippe Mohlitz n’en demeure pas moins l’un des grands représentants actuels de la gravure au burin. Cette exposition, qui intervient après le don par l’artiste d’une cinquantaine de planches au musée de Bordeaux (où l’artiste a choisi de s’installer), rassemble une soixantaine d’œuvres, essentiellement des gravures au burin et à la pointe sèche, mais aussi une manière noire (un procédé de gravure en taille-douce très prisé des artistes anglais du XVIIIe siècle), des dessins et quelques sculptures. Soixante œuvres, cela semble peu pour une exposition qui tient dans une unique salle, mais cela se révèle très important pour l’œuvre d’un artiste qui se revendique de l’héritage des grands fantastiques : Dürer, Bresdin et Redon. Si les formats sont relativement grands, il faut en effet trouver la juste distance pour explorer l’infinie richesse des mondes virtuoses de Mohlitz. Chaque planche se mérite, qui fourmille de détails à ne pas louper sous peine de passer à côté de l’œuvre, de son sujet comme de son humour. Car Mohlitz possède les talents des plus grands illustrateurs et dessinateurs, y compris, dans le genre science-fictionnel, de Moebius et d’Enki Bilal, mêlé à un humour que n’aurait pas renié Ensor. Il faut prendre son temps pour décortiquer la construction « arcimboldiesque » du patient alité du Ministère de la Santé (1977), visiblement heureux de voir passer la garde-malade fantomatique et son sexe dépecé s’ériger de nouveau…
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°712 du 1 mai 2018, avec le titre suivant : Fantastique Philippe Mohlitz