Faithfull, voyages interdimensionnels

Pour son exposition au Frac Basse-Normandie, il retrouve près du hameau de Quénanville l’opposé géographique des îles Antipodes qu’il parcourt à pied, une échelle sous le bras. Sorte de Buster Keaton conceptuel possédé par Magritte, cousin anglais de Tixador et de Poincheval, Simon Faithfull aime les rencontres improbables, les territoires qui débordent les uns sur les autres. Ses expériences prennent souvent la forme d’« expéditions ». Elles fabriquent des images-rêves au temps suspendu. Ce n’est pas la difficulté qui compte, ni l’exotisme du voyage, mais l’interaction avec le lieu, générateur d’étrangeté et de poésie. Quand il décide de suivre le méridien de Greenwich, traversant champs et habitations (négociant à chaque fois son passage), il fait d’une contrainte un outil de découverte. Fixant la trajectoire, il dévie le regard. Le Frac présente son dernier projet coproduit en 2014 avec la Fabrica à Brighton. La vidéo Récif (démultipliée en six écrans) s’ouvre sur un bateau en flammes. Il sombre. Des caméras infrarouges rendent visible ce lent processus de submersion et de transformation. L’eau se teinte d’un vert surnaturel tandis que les poissons cherchent à y établir leur demeure. Comme dans le film Stalker de Tarkovski, la nature prend possession d’un milieu anciennement dévolu à l’homme. La ruine (on pense aux épaves de la dernière guerre) accueille la gestation d’une quatrième dimension, où la durée tient lieu d’espace.