Un lieu étonnant et une scénographie exceptionnelle peuvent transcender des œuvres exposées. La rétrospective Robert Gober au Schaulager de Bâle en apporte la démonstration. Au départ, une quarantaine de sculptures, dont plusieurs reproductions d’objets ou d’images tirés du quotidien. Au début de sa carrière, l’artiste américain (né en 1954) faisait une petite fixation sur les éviers en céramique. Il en a fabriqué des dizaines, de toutes les formes, même si au fil du temps ses lavabos se sont simplifiés jusqu’à figurer des pierres tombales. Puis il a opéré un transfert sur les membres inférieurs du corps humain. S’ensuit une longue série de jambes en cire, d’un réalisme parfait, si ce n’était les cierges allumés ou les bondes d’évier (on y revient) qui prolongent ou perforent ces malheureux membres. Parfois il imprime une partition de musique sur une paire de fesses.
On aura compris que malgré les réminiscences surréalistes, Gober n’est pas un aficionado de la peinture et qu’il puise son inspiration dans son histoire personnelle. Mais, lorsque l’on déambule dans les immenses salles du Schaulager, porté par une mise en scène dépouillée et rigoureuse, on appréhende les œuvres différemment. Elles plongent le visiteur dans une ambiance étrange, inquiétante, parfois mortifère, souvent sexualisée. Cette impression culmine avec les deux gigantesques installations très ouvragées de l’exposition. Notamment celle qui réside en permanence au Schaulager : une Vierge transpercée par un tuyau au centre d’un dispositif complexe.
C’est une exposition pensée, mûrie, qui a pris son temps. C’est cela qui a convaincu Gober de venir la monter lui-même. Le Schaulager n’est pas un musée comme les autres. Il collectionne des œuvres d’art contemporain mais ne les expose pas. Elles sont conservées dans d’immenses salles thématiques, fermées par de lourdes portes. Les œuvres sont accessibles aux seuls chercheurs. Cet entrepôt de luxe organise une fois par an une grande exposition, ce qui laisse tout le temps nécessaire pour la construire.
Il faut aller visiter cette rétrospective, d’autant que Bâle regorge de musées.
Il faut aussi se procurer le catalogue. Il est malheureusement uniquement en anglais, mais recense de nombreuses œuvres de Gober, la plupart accompagnées de commentaires de l’artiste.
« Robert Gober, work 1976-2007 », Schaulager, Ruchfeldstrasse 19, Bâle (Suisse) tél. 00 41 61 335 32 32, jusqu’au 14 octobre.
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Étrange monsieur Gober
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°594 du 1 septembre 2007, avec le titre suivant : Étrange monsieur Gober