Le Centre de la Vieille Charité réunit, dans leur diversité, les meilleurs représentants européens de l’orientalisme.
MARSEILLE - En attendant de pouvoir revoir le célèbre tableau de Pierre Puvis de Chavannes, Marseille porte de l’Orient, contraint à l’ombre depuis la fermeture, en 2004, du Musée des beaux-arts, le public de la cité phocéenne pourra se consoler avec une exposition sur un thème évocateur : celui de l’orientalisme. Montée dans les salles très contraignantes de la Vieille Charité, le somptueux « hospice des gueux » construit au XVIIe siècle par Pierre Puget au cœur du vieux Marseille, la présentation – qui a déjà fait escale à Bruxelles et Munich – réunit un large panorama des meilleurs représentants européens de ce courant pictural. Quitte à en donner une image foisonnante. Car, comme l’illustre l’accrochage d’une grande clarté, l’orientalisme n’a jamais été un véritable style ni même une école, mais plutôt le fruit de la découverte d’une source d’inspiration nouvelle. Il touchera des artistes aux sensibilités aussi différentes que Delacroix ou Gérôme, ou, plus tard, Matisse ou Klee, mais aussi des peintres amateurs de stéréotypes autant que des artistes en quête de naturalisme.
Le harem, objet de tous les fantasmes
La publication, par Vivant Denon, des récits de la campagne d’Égypte de Bonaparte (1798-1801) donne le coup d’envoi de cette nouvelle mode. L’égyptomanie livresque contamine alors tous les arts et donne lieu à des interprétations diverses. En témoigne, notamment, un curieux petit tableau de Lawrence Alma-Tadema, Joseph, inspecteur des greniers de pharaon (1874, New York, Dahesh Museum of Art) recadrant l’histoire biblique dans le contexte pharaonique. Plus tard, la conquête coloniale de l’Algérie, les missions diplomatiques puis l’amélioration des transports procurent aux artistes l’occasion de se confronter directement avec cet Orient rêvé. Embarqué en 1832 vers le Maroc par le comte de Mornay, Delacroix traduit dans sa peinture ce choc esthétique par une profusion de couleurs et une débauche nouvelle d’énergie.
Nourris par ce nouveau répertoire, les artistes en exploitent les thèmes pittoresques. Objet de tous les fantasmes, le harem autorise la représentation, pour Ingres, Chassériau, Gérôme ou Lecomte du Noüy, de nus licencieux que la morale bourgeoise réprouve. Le sculpteur Charles Cordier va plus loin en travaillant à un nouveau canon de beauté, faisant poser, tel un héros antique, Saïd Enkess, un esclave soudanais affranchi rencontré dans l’atelier de Rude, pour un buste qui lui vaudra son premier succès au Salon, en 1848. Le paysage désertique devient à son tour un sujet à part entière, magnifiquement retranscrit par Léon Belly (La Mer Morte, 1866, Paris, Musée du quai Branly). De cette veine orientaliste, il restera chez Renoir, puis Matisse et les modernes, la fascination pour cette lumière écrasante. C’est à Kairouan, en Tunisie, que Klee, en 1914, écrira avoir ainsi trouvé la voie vers l’abstraction.
Commissariat : Luc Georget, conservateur au Musée des beaux-arts de Marseille ; Marie-Paule Vial, directrice du Musée national de l’Orangerie, à Paris
Nombre d’œuvres : 114
Scénographie : Saluces
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Entre stéréotypes et naturalisme
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Abonnez-vous dès 1 €L’orientalisme en Europe. De Delacroix à Matisse
Jusqu’au 28 août, Centre de la Vieille Charité, 2, rue de la Charité, 13002 Marseille, tlj sauf lundi 10h-18h, vendredi jusqu’à 22h. Catalogue, coéd. RMN-GP et Ville de Marseille, 312 p., 39 €, ISBN 978-2-7118-5805-7
Légende photo
Lawrence Alma-Tadema - Jospeh, inspecteur des greniers de pharaon (1874)- Wikimedia
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°349 du 10 juin 2011, avec le titre suivant : Entre stéréotypes et naturalisme