À travers la peinture, un pan de la société des Pays-Bas au Siècle d’Or se recompose autour d’un répertoire d’images de l’enfance. L’approche iconologique témoigne de la richesse du sujet et permet de découvrir cette culture hollandaise qui assignait déjà une place considérable à ses petits, comme promesses d’avenir.
ANVERS - La représentation de l’enfance constitue une originalité de la peinture flamande du XVe siècle. Ainsi, le Siècle d’Or de la peinture hollandaise a-t-il aussi été celui de l’enfant – l’un des thèmes privilégiés des artistes jusqu’au XVIIIe siècle. Riche de 85 tableaux, l’exposition mêle une production artisanale à des œuvres de qualité peintes par Jan Gossaert, Jan Claesz, Nicolaas Maes, Bartholomeus Van der Elst ou Pieter Paul Rubens, sans oublier Jacob Van Oost de Oudere, auteur d’un portrait de jeune garçon (sans doute son fils) parmi les plus remarquables. Concise, elle décline le sujet en six sections thématiques, que le catalogue reprend et amplifie : la famille nouvelle ; les premiers pas ; apprendre et jouer ; la mortalité ; le portrait comme projection et comme vérité, pour s’achever avec le portrait historié qui témoigne de l’inscription de l’enfant dans la vision politique du temps. La progression se révèle logique. Elle débute avec l’avènement de la “famille nucléaire” au tournant du XVIe siècle. Dans cette entité refondue autour de la mère et du père, les enfants deviennent un capital qu’il faudra chérir et éduquer. Le portrait d’enfant a lui-même des visées éducatives. Le recours aux symboles érige ce style peint en modèle. Considéré comme une feuille de papier vierge, l’enfant doit être dirigé et orienté. L’enseignement des valeurs chrétiennes domine la représentation au même titre que le jeu, perçu comme une première expérience des tâches qui attendront l’adulte à venir.
D’emblée, l’enfant s’inscrit dans une vision d’avenir qui justifiera sur le plan politique le développement du portrait royal et son adaptation aux valeurs bourgeoises. Instrumentalisé socialement, l’enfant le sera aussi sur le plan de ses représentations. Le thème du déguisement se décline ainsi de la cuirasse au vêtement pastoral, pour le projeter dans un monde d’idéalité. Innocence et ambition se marient ainsi dans des représentations équivoques qui marqueront aussi le portrait d’adulte. La réalité de l’enfance se révèle aussi sous un jour sombre. La mortalité infantile frappe durement les familles : près de la moitié des décès est enregistrée avant l’âge de cinq ans. La mort fait ainsi partie d’un quotidien dont la peinture rend compte. Au thème de la dépouille sur son lit funèbre répondent aussi de singuliers et douloureux portraits de groupe où, comme dans celui, anonyme, de la famille de Jan Gerritz Pan, les deux enfants survivants présentent leurs neuf frères et sœurs décédés, sous le regard douloureux de leurs parents. Si l’enfant est avant tout un projet, il existe en soi et possède sa personnalité propre, que certains peintres auront à cœur de révéler à travers des portraits davantage individualisés. S’instaure ainsi, d’œuvre en œuvre, un dialogue entre le modèle idéalisé (front bombé, joues rondes, petites bouches et yeux aux pupilles agrandies) et le rendu de la personnalité qui s’affirme peu à peu alors que grandit l’enfant et que l’histoire évolue vers une nouvelle forme de réalisme.
- ENFANTS EN BEAUTÉ. LE PORTRAIT D’ENFANTS AUX PAYS BAS DU NORD ET DU SUD, 1500-1700, jusqu’au 22 avril, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, Plaatsnijderstraat 2, Anvers tél. 32 (0) 3 242 04 16, ouvert tlj sauf lundi, de 10h à 17h, nocturne mercredi jusqu’à 21h. Catalogue en néerlandais et en anglais, 1 195 FB (env. 195 F). www.antwerpen.be/cultuur/kmska.
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Enfants modèles
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°123 du 16 mars 2001, avec le titre suivant : Enfants modèles