Premier épisode d’une série d’expositions baptisée "Rien ne presse", "Jokes" regroupe au Musée d’art moderne et contemporain de Genève d’importantes expositions monographiques d’Alain Séchas et de Philippe Mayaux, mais aussi des œuvres de Peter Land, de Peter Saul ou de Bernhard Martin. Tous réunis ici sous le signe de l’humour.
GENÈVE - En attendant d’occuper à Paris la chapelle de la Salpetrière pendant le Festival d’automne, les fantômes d’Alain Séchas errent au Musée d’art moderne et contemporain (Mamco) de Genève. Ces chats somnambules, visiblement pris dans quelque rêve érotique, se déplacent doucement le long d’un rail, accompagnés par des accords de Morton Feldman. Lente, la musique spatialise le mouvement des chats et des visiteurs tout au long des six salles consacrées à l’artiste qui, outre un martien amateur de Big Mac et des figures félines désormais familières, expose son Monument à Lacan, une sculpture où deux êtres s’interpénètrent. Comme souvent chez l’artiste, le dessin prédomine et les sculptures présentées ici s’identifient à des personnages soudain devenus réels, les traits gonflés. Liées au dessin humoristique, les œuvres de Séchas servent d’étendard au nouveau cycle d’exposition entrepris par le Mamco. Baptisée “Rien ne presse”, en opposition à la course au nouveau, à la production et à la croissance, la programmation débute sous le signe de l’humour avec une proposition intitulée “Jokes”. Sous cette thématique, on retrouve avec plaisir les chutes tragi-comiques de Peter Land, les croquis absurdes de David Shrigley ou encore le Grand Burundum de Roberto Matta, polyptyque ubuesque peint en 1974 en référence à la prise de pouvoir de Pinochet au Chili.
Autre joyeux luron à rejoindre la partie, Philippe Mayaux répond plus que justement au sujet. Près de 150 de ses œuvres, tableaux ou sculptures, sont exposées dans les petites alcôves du musée. Ce format de cabinet d’amateur convient parfaitement au travail entamé par Mayaux depuis plus d’une dizaine d’années, une recherche tournée vers le tableau comme objet visuel intime, pris dans ses propres contradictions. Dans la descendance de Magritte, la peinture de Mayaux a adopté une facture honnête pour montrer des images qui ne demandent qu’à trahir. Souvent scabreuses (La Fin du monde, 1995, remake “moderne” de l’Origine du monde) et parfois acides (un Yes de 1993-1996 très psychédélique ou Doppler Effect et son lapin volant), ses toiles dérapent régulièrement vers le domaine du modeste et du bibelot. À chacun de déterminer quel sérieux accorder à tout cela. Pourtant, des ensembles comme les gravures de War War quittent le calembour pour rappeler la maîtrise par l’artiste d’un univers aussi personnel que vaste et obsédant.
Si, en France, la peinture a eu récemment les honneurs (ou malheurs) de l’institution (Cher Peintre au Centre Georges-Pompidou, lire le JdA n° 152, 28 juin 2002), nos proches voisins genevois n’échappent pas à la coulée, avec Peter Saul et ses grands formats fluorescents en aîné, et Bernhard Martin en jeune premier. Né en 1934, américain, le premier est largement reconnu pour sa peinture politique et horripilante, tandis que le second, allemand, âgé de trente-huit ans, manie les citations et les supports pour un résultat maniéré, mais parfois convaincant dans ses tensions. Reste à savoir à quel degré le prendre. Pour finir sur une touche d’humour, on pourrait citer Pierre Desproges : “On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde.”
- RIEN NE PRESSE / SLOW AND STEADY / FESTINA LENTE, PREMIER ÉPISODE : JOKES, jusqu’au 22 septembre, Musée d’art moderne et contemporain (Mamco), 10 rue des Vieux-Grenadiers,Genève, tél. 41 22 320 61 22, www.mamco.ch
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En Suisse, rien ne presse
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°154 du 13 septembre 2002, avec le titre suivant : En Suisse, rien ne presse