Né en 1943 en Islande
et installé en Hollande depuis 1971, Hreinn Fridfinnsson mène depuis ces trente dernières années une œuvre discrète où alternent poésies, sculptures et photographies. Parallèlement à quelques-uns de ses travaux des années 1970, le Domaine de Kerguéhennec expose
ses productions récentes dans lesquelles ressurgit la figure d’un artiste occupé à décrire le monde par ricochets.
BIGNAN - En 1972, Hreinn Frindfinnson construisit sur un bout de terre isolé cinq portes, conçues pour s’ouvrir au vent du sud (Five Gates for the South, 1971-1972). Le jour de leur achèvement, le vent qui accompagnait la pluie soufflait du nord. Les portes restèrent closes et l’artiste ne revint jamais sur les lieux. À en croire les cinq petits tirages noirs et blancs et la note qui composent l’œuvre, le Land Art selon Hreinn Frindfinnsson n’a décidément rien d’une discipline glorieuse. Même si elle ne se départit pas d’un certain lyrisme, la pratique de l’artiste serait plutôt de l’ordre de la contemplation et, dans une moindre mesure, du désappointement. For Light, Shadow and Dust (Pour la lumière, l’ombre et la poussière, 1994) se compose de quatre étagères dorées, aptes à remplir les fonctions pragmatiques d’une œuvre d’art ! Inspirée par une histoire populaire islandaise, la maison qu’il construit en 1974 est un négatif. Toutes tapisseries et décorations dehors, la demeure est prête à accueillir le monde entier. Né en Islande en 1943, Hreinn Fridfinnsson, installé depuis 1971 en Hollande, a entamé sa carrière dans une veine poético-visuelle alors courue, dans laquelle s’articulent image et texte. Par bonheur, les propositions de Fridfinnsson semblent toujours décalées. A Place (1975) montre deux photographies du même intérieur calme. Par son sous-titre, celui de gauche devient un “endroit d’espoir et d’expectative”, le second, un endroit “d’échec et de désappointement”. À travers une cinquantaine d’œuvres, la rétrospective que lui consacre aujourd’hui le Centre d’art de Kerguéhennec, en reliant sa production des années 1970 à celle, récente, des années 1990, prolonge cette impression. Si Fridfinnsson fraye avec l’évidence, il plonge rarement dans le trop. Attentif à la leçon de Cézanne, il a ainsi su prendre le temps de l’étude sur le motif. Réalisées au plus près, ces vues de la montagne Sainte-Victoire sont des frottages de la roche (De la montagne Sainte-Victoire, 1999). L’artiste ne vise jamais dans le mille mais il manie la figure du ricochet.
Recueillir des métaphores fragiles
Plus loin, lorsqu’il signe ce qui pourrait s’apparenter à des autoportraits, cela n’est pas sans un certain décalage. Disposées sur un mur, les petites photographies de Sheep and Horses of my Nephew (2001) parlent évidemment de l’artiste, mais en biaisant, se contentant du cheptel de son neveu. Quant au large tirage de First Window (Hommage à Marcel Duchamp, 1992), il montre une fenêtre embuée de romantisme. Photographiée par le même neveu, l’ouverture constituerait la première vision de l’artiste lors de son enfance. Ces dispositifs, qui passent par la bande, sont ici légion, à la mesure du nombre de pièces qui recourent à la réflexion. Non sans une certaine préciosité, les sculptures qu’il a réalisées en collaboration avec le Cirva (Centre international de recherche du verre et des arts plastiques, Marseille), demi-cloches posées sur des miroirs, produisent un effet d’infini et d’illusion vertigineux. Reste qu’indéniablement, l’artiste donne le meilleur de lui-même lorsqu’il ne met pas trop la main à la pâte, se contentant de recueillir des métaphores fragiles. Si, depuis la fin des années 1980, son atelier n’est plus à proprement parler un lieu de production, les valeurs de représentation sociales et symboliques qui lui sont attachées continuent pourtant de tourner à plein régime : réalisés ces trois dernières années, les Domestic Sketches sont de simples toiles d’araignées encadrées et mises sous verre.
- HREINN FRIDFINNSSON, jusqu’au 2 juin, Domaine de Kerguéhennec, Bignan, tlj sauf lundi 10h-18h, tél. 02 97 60 44 44, catalogue à paraître.
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En passant par la bande
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°149 du 17 mai 2002, avec le titre suivant : En passant par la bande