PARIS
Le Musée Guimet dresse un portrait attachant de son fondateur et retrace son voyage en Orient avec le peintre Félix Regamey. Une exploration érudite et étonnante de la culture asiatique.
Paris. « Je trouve qu’on s’instruit beaucoup en voyageant. » Cette phrase, Émile Guimet (1836-1918) l’écrit en 1865 dans Croquis égyptiens : journal d’un touriste. C’est ce trentenaire enthousiaste et héros d’aventures à la Tintin que présente le Musée Guimet à travers l’exposition sur son voyage en Asie. Deux drôles de silhouettes bleues courant sur un mur blanc accueillent d’ailleurs le visiteur dans l’antichambre des salles.
C’est que ce périple au long cours, de mai 1876 à mars 1877, l’industriel l’a partagé avec un peintre illustrateur aussi aventureux que lui, Félix Régamey (1844-1907). Le but de Guimet était de rassembler documents et objets pour nourrir un projet d’histoire comparée des religions et Régamey devait rapporter les images du voyage, comme Georges Duseigneur l’avait fait avant lui lorsqu’il l’avait accompagné en Égypte. Après une salle biographique, l’exposition débute par cette expédition égyptienne. Ensuite, le vrai voyage en Orient commence aux… États-Unis. Guimet retrouve Régamey à New York et se rend avec lui à Philadelphie, puis en Californie, car c’est à San Francisco qu’ils doivent s’embarquer pour le Japon.
C’est le premier contact du visiteur avec l’œuvre de Régamey qui a peint, à son retour, Secte communiste des Shakers et Baptême d’Indiens Chochones par les Mormons dans ce beau style réaliste et sans pathos, qui donnera toute sa mesure à son reportage sur le Japon. Un pays du Soleil-Levant que l’on retrouve dans la salle suivante. Au mur, une citation de Régamey : « Je t’écris du pays des rêves. » La lettre manuscrite qui commence ainsi est exposée dans une vitrine, face à Pont sacré et pont banal à Nikko accroché au-dessus d’une malle japonaise et d’un palanquin.
Les commissaires, Sophie Makariou, présidente du musée, Cristina Cramerotti, conservatrice de la bibliothèque et Pierre Baptiste, conservateur chargé de l’Asie du Sud-Est, ont conçu une exposition évocatrice à la fois des conditions de voyage des deux hommes et de leurs recherches. Guimet enquêtait sur le bouddhisme auprès des religieux du pays, tandis que Régamey, qui effectuait auprès de lui son travail de reporter, s’informait parallèlement sur le Japon dont il devait devenir un spécialiste. En 1902, il publiait Le Dessin et son enseignement dans les écoles de Tokyo.
Souvent, les croquis pris sur place, les esquisses des tableaux, réalisés à Paris, et les estampes qui en ont été tirées pour illustrer les publications de Guimet sont présentés côte à côte. On y voit par exemple l’industriel à demi allongé sur le sol auprès de son interprète dans Deux prêtres de la secte Shingon à Kyoto expliquant à Émile Guimet les qualités de leur dogme. Toutes ces toiles, peintes entre 1877 et 1878, décrivent leur voyage au Japon, puis en Chine, à Ceylan et en Inde et ont été présentées à l’Exposition universelle de 1878 à Paris, dans la section consacrée à la Galerie de l’art rétrospectif. Photographies et estampes rappellent ce moment. Le Musée Guimet présente vingt-cinq peintures de Régamey, mais les années 1930 s’étant détournées de cet art réaliste, d’autres ont été perdues et continuent à faire l’objet de recherches.
Les dernières salles sont consacrées à la mise en valeur de pièces rassemblées par Guimet pour son musée des religions, en reconstituant la présentation qu’il avait voulue. C’est le cas pour les statues représentant la déesse Kannon Bosatsu et surtout pour le spectaculaire mandala du temple Toji de Kyoto, copié à la demande de l’industriel. Cet ensemble de sculptures présenté en clôture de l’exposition a fait l’objet d’une importante restauration de 2014 à 2017.
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Émile Guimet, l’aventurier de l’art
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jusqu’au 12 mars, Musée national des arts asiatiques Guimet, 6 place d’Iéna, 75016 Paris.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°494 du 2 février 2018, avec le titre suivant : Émile Guimet, L’aventurier de l’art