Après Bordeaux et Genève, le Musée du Louvre présente un choix de cent dix-huit petits portraits des XVIIIe et XIXe siècles. Organisée en collaboration avec la RMN, le Musée des arts décoratifs de Bordeaux, le Musée de l’horlogerie de Genève et avec le soutien de la Fondation Pro Helvetia, cette exposition, divisée en onze sections, nous démontre que la miniature, qui appelle \" l’intimité de la consultation \", est bien plus qu’une petite sœur de la peinture en grand.
PARIS - Si Jean Clouet pratiqua cet art à la cour dès le XVIe siècle, le véritable âge d’or du portrait miniature, borné par ces deux événements majeurs que furent l’utilisation de l’ivoire comme support à partir de 1720 et l’invention de la photographie en 1839, s’étend sur plus d’un siècle. Peint à l’aquarelle et à la gouache sur ivoire, vélin ou papier, cet objet à vocation essentiellement sentimentale connut un succès phénoménal. En effet, réservé à l’usage d’une seule personne, la miniature sera utilisée pour décorer tabatières, carnets de bal, fermoirs de bracelet, broches, bagues et boîtes.
Outre de nombreux commanditaires – figures de la scène publique ou simples particuliers –, le succès de cette technique est lié à la personnalité de certains peintres autour desquels se forment des foyers artistiques : c’est d’abord à Paris que beaucoup d’artistes provinciaux, comme Jean-Baptiste Isabey, ou étrangers, telle Henriette Rath, ont trouvé une clientèle et que le Genevois Pierre-Louis Bouvier a fait son apprentissage avant de faire carrière en Suisse. Avec Pierre-Édouard Dagoby, Bordeaux deviendra par la suite un centre de première importance. L’Italien Domenico Bossi, le Russe Augustin Ritt et l’Allemand Heinrich Jacob Aldenrath font quant à eux partie de ces artistes internationaux qui ont fréquenté les cours européennes.
Une peinture à part entière
Portrait d’un être cher ou de famille, effigie de souverain ou d’artiste, la miniature reste toujours à portée de main : Mme de La Fayette ne raconte-t-elle pas dans ses mémoires que le comte de Guiches, épris d’Henriette d’Angleterre, ne se séparait jamais de son image "enfermée dans une boîte attachée à son cou" ? Cependant, plus que l’aspect sentimental, c’est sans doute la grande maîtrise technique de cet art oublié qui s’impose comme la caractéristique la plus frappante de la miniature. L’exposition se termine par l’évocation d’un atelier de miniaturiste avec ses instruments de travail (table, loupe, grattoir, pinceaux et couleurs) et la délicate aquarelle sur vélin de Jean-Baptiste Augustin représentant l’Atelier de l’artiste vers 1810. On apprend ainsi qu’à la fin de l’Ancien Régime, le peintre des petits portraits sur ivoire avait à sa disposition dix-huit couleurs pour rendre les chairs…
Le Portrait de Mlle de Salienne (1790) d’Isabey, miniature de jeune fille en deuil qui annonce les portraits flatteurs obtenus en drapant des voiles de gaze autour du visage, le fini de la parure de bijoux dans le Portrait de l’impératrice Joséphine (1812), qui révèle la minutie du peintre sur émail que fut aussi Bouvier, enfin l’exécution chaleureuse et nuancée du costume de l’Homme au col de fourrure (1820) réalisé par Dagoty nous permettent de redécouvrir une peinture à part entière qui, comme celle du grand portrait, s’explore en profondeur.
L’ÂGE D’OR DU PETIT PORTRAIT, Musée du Louvre, aile Sully, jusqu’au 22 avril. Ouvert tlj, sauf le mardi, de 9h à 17h15. Catalogue publié par la RMN, 352 p., 121 planches couleur, 390 F.
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Éloge de la miniature
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°23 du 1 mars 1996, avec le titre suivant : Éloge de la miniature