Egon Schiele : le voyage en Allemagne

La collection du Docteur Rudolf Leopold à Düsseldorf et bientôt à Hambourg

Par Roger Bevan · Le Journal des Arts

Le 1 mars 1996 - 645 mots

Le plus bel ensemble d’œuvres d’Egon Schiele jamais réuni est actuellement présenté dans différentes villes d’Allemagne. Il devrait à l’avenir être exposé de façon permanente à Vienne avec le reste de la collection Leopold, achetée par l’État autrichien pour une somme équivalent à 1,3 milliard de francs.

DÜSSELDORF - Les 28 peintures à l’huile et les 124 aquarelles et dessins actuellement à la Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen de Düsseldorf – après Tübingen et avant Hambourg – proviennent de l’inestimable fonds de la collection Rudolf Leopold. À titre de comparaison, l’exposition "Egon Schiele et ses contemporains", que l’on a pu voir entre 1988 et 1991 à Zurich, Vienne, Munich, Wuppertal et à la Royal Academy de Londres, ne comptait que cinquante-deux œuvres de Schiele, parmi d’autres peintures et dessins d’artistes viennois acquis par le Dr Leopold depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Ophtamologue installé à Vienne, mais surtout collectionneur et expert d’Egon Schiele, Rudolf Leopold possède la plus importante collection privée de peintures et d’œuvres sur papier de l’artiste autrichien, mort de la grippe espagnole à l’âge de vingt-huit ans, en 1918. Il est également l’auteur du plus ancien des deux catalogues raisonnés de l’œuvre de Schiele, publié en 1972. Le second, publié en 1990, est dû à la marchande new-yorkaise Jane Kallir.

Tel Leopold avec Schiele, peu d’hommes ont atteint à une connaissance aussi intime de l’œuvre d’un artiste : Sir Denis Mahon et le Guerchin, Anthony Blunt et Poussin, ou bien Michael Jaffe et Rubens, Sir Denis étant le seul qui ait pu réellement concilier un travail de recherche avec des acquisitions significatives.

Bientôt un Musée Schiele à Vienne ?
La collection Leopold comprend quelques-uns des chefs-d’œuvre laissés par Egon Schiele au cours de sa brève mais prolifique carrière : Moa la danseuse, une aquarelle de 1911, Ermites (1912), un double portrait de l’artiste avec son mentor Gustav Klimt, Cardinal et bonne sœur (1912), Autoportrait aux physalis et son pendant, le Portrait de Wally, tous deux de 1912, Mère aveugle (1914), Acte d’amour, une aquarelle de 1915, Fille à genoux appuyée sur ses coudes, une aquarelle de 1917, et des raretés comme cet Autoportrait à la palette, mine de plomb et gouache de 1905, le travail le plus précoce que l’on connaisse de l’artiste. Rudolf Leopold a privilégié les œuvres expressionnistes des années 1911-1912, s’intéressant moins aux travaux antérieurs – dans la veine de l’Art nouveau – ou aux œuvres des dernières années, même s’il possède deux grandes peintures datées de 1918, apparemment inachevées et représentant chacune un groupe de personnages.

Les œuvres exposées actuellement font presque toutes partie de la collection que l’État autrichien a acquise pour un montant estimé à 2,6 milliards deschillings (1,3 milliard de francs), pour laquelle un lieu d’exposition permanent devrait être construit dans le quartier des musées à Vienne, derrière les anciennes écuries impériales. Mais il faudra attendre la publication de la liste intégrale des acquisitions de l’État pour savoir quelles sont les autres œuvres d’Egon Schiele qui ont été achetées par l’Autriche.

En attendant, le Dr Leopold est toujours très présent sur le marché de l’art : le 9 novembre 1994, lors d’une vente aux enchères au Dorotheum de Vienne, il a emporté un double autoportrait au crayon, signé et daté de 1914, estimé de 2,9 à 3,2 millions de schillings. Rudolf Leopold, qui assistait à la vente, s’est trouvé en concurrence avec le collectionneur canadien David Thompson, auquel la feuille était adjugée pour 5,3 millions de schillings. La licence d’exportation lui ayant été refusée – sur la recommandation du Dr Leopold –, ce dernier a finalement pu l’acquérir.

L’exposition itinérante devait faire étape au Musée d’art moderne de la Ville de Paris au mois d’octobre, mais le projet serait actuellement abandonné, semble-t-il pour des raisons budgétaires.

EGON SCHIELE, COLLECTION DU DR LEOPOLD, Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf, jusqu’au 10 mars, Kunsthalle de Hambourg, du 22 mars au 16 juin.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°23 du 1 mars 1996, avec le titre suivant : Egon Schiele : le voyage en Allemagne

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