Ayant passé trente ans de sa vie en prison et autant de temps à y écrire, Auguste Blanqui est l’inspirateur de cette exposition.
À leur façon, ses incroyables lettres relient entre eux les quatre domaines explorés. Chacun débute par la même initiale, P, évocatrice de la rupture, de l’amour, de la perdition, de l’enfermement en soi. Émouvants, dignes jusqu’au bout, sobrement mis en valeur, les cent cinquante manuscrits réunis sont les témoignages visibles et lisibles de situations vécues au seuil de la douleur, quand le désespoir étreint le corps et que la mort le menace. Sur de petits carnets, des feuilles quadrillées, une coupure de journal, du linge, des papiers tachés, froissés, fragiles, quelques mots suffisent au poète, au poilu de 14, à une reine, à l’explorateur perdu, à l’enfant juif victime de la rafle, à une savante pour traduire en mots ce que le cœur dicte à la main. Confronté à l’indicible ou à l’urgence, l’être humain s’exprime coûte que coûte, en prose, en vers, à l’encre, avec une épingle, son propre sang. Entre André Chénier, Marie-Antoinette, Antonin Artaud, Marie Curie, Blaise Pascal, Alfred Dreyfus, Sade et le souffrant anonyme, une identique solidarité signe ces appels. « Je trouve les contours du vide », note Cocteau en 1928. Le visiteur est libre de suivre le cheminement qu’il souhaite, il peut prendre le temps de lire ces traces de mémoire, de scruter les dessins quand il y en a, d’observer la diversité des graphies, d’honorer la multitude de tous ces supports, porteurs de l’ultime.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°724 du 1 juin 2019, avec le titre suivant : Écrits du cœur