Au château d’Écouen, le Musée national de la Renaissance interroge la place de la musique dans la société du XVIe siècle.
Écouen - Comment jouait-on, écoutait-on, vivait-on la musique au temps de l’épinette, de la viole de gambe et du cornet à bouquin ? Cette question est au cœur des recherches du Musée national de la Renaissance d’Écouen (Val-d’oise) depuis plusieurs années. Et si elle donne aujourd’hui lieu à une exposition temporaire, c’est avant tout pour mieux diffuser les résultats de ce travail. « Le choix du thème de la musique correspond à une volonté d’approfondir un sujet déjà traité dans nos collections. Cette exposition se veut une sensibilisation du public, pas un événement pur se terminant une fois pour toutes le 6 janvier », souligne Thierry Crépin-Leblond, directeur du musée. Preuve de cette volonté de dépasser l’événementiel, un double livret est distribué au public : le premier le guide dans l’exposition, le second l’invite à poursuivre sa visite, toujours sur le thème de la musique, mais cette fois dans les collections permanentes. Faute d’un espace dédié aux manifestations temporaires, le parcours est aménagé dans quelques salles du château et un mobilier rose le distingue du circuit permanent. Complète, l’exposition décortique l’évolution de la musique sacrée et profane au XVIe siècle, avant de consacrer deux salles à l’influence antique et aux festivités. Deux petits cabinets d’écoute enrichissent une présentation mêlant tableaux, gravures, instruments et nombreux manuscrits (la BnF ayant prêté une quarantaine d’ouvrages pour l’occasion).
La musique démocratisée
Comme les arts plastiques, la musique et sa place dans la société du XVIe siècle connaissent de profonds changements. Selon la Réforme, les fidèles doivent pouvoir communiquer directement avec Dieu. Les messes polyphoniques en latin de la fin du Moyen Âge n’étant pas le répertoire le plus à même de répondre à ce besoin, Luther compose de nouvelles mélodies, plus simples, et y appose des textes en langue vernaculaire. Pour la première fois, le croyant participe lui aussi aux chants. Autre révolution, l’invention de l’imprimerie permet l’essor de l’édition musicale et la diffusion de pièces et de chansons à succès. Parmi les différents manuscrits présentés dans cette section, l’un des premiers volumes de musique polyphonique jamais imprimé (Ottaviano Petrucci, 1504, BnF) témoigne de cette étape importante pour la diffusion de la musique. Les prêts permettent d’admirer des objets qui, s’ils sont quasiment tous issus de collections françaises, ne sont pas toujours exposés dans leurs musées d’origine. C’est notamment le cas de l’une des très rares « vihuela de mano » (viole jouée à la main) encore conservées, réalisée à Tolède vers 1500 et au beau décor de marqueterie de buis, de palissandre, d’acajou et d’ivoire (Musée Jacquemart-André). Certains instruments du Musée de la Renaissance sont également visibles sous un jour nouveau, comme une épinette vénitienne de 1570 débarrassée de sa mise à distance, ou encore un joli luth miniature d’à peine 30 cm de haut, certainement conçu pour décorer la vitrine d’un luthier. Parmi les portraits de musiciens, celui du Joueur de viole (1540-1550) de Paolo Zacchia (choisi comme affiche de l’exposition) et du Flûtiste borgne (anonyme, 1566, tous deux au Musée du Louvre) arrêtent le regard. Certains aspects plus techniques échapperont aux non-musiciens, mais le « plaisir de comprendre », sur lequel insistent les commissaires, est bien présent. On ressort même de l’exposition libéré de quelques idées reçues. Non, l’orgue ne fut pas toujours cantonné aux églises, une gravure représentant une fête endiablée où des danseurs se déchaînent au son de l’instrument le prouve. Quant au violon, il lui faudra attendre encore avant d’acquérir ses lettres de noblesse. Dans son traité, écrit en 1556, Philibert Jambe de Fer décrète en effet que l’instrument ne mérite même pas d’y être représenté, tant son usage n’est acceptable que pour les musiciens ayant vraiment besoin de gagner leur vie.
Commissariat : Thierry Crépin-Leblond, directeur du Musée national de la Renaissance, Benoît Damant, commissaire scientifique, Muriel Barbier, conservateur du patrimoine
Nombre d’œuvres : 97
Jusqu’au 6 janvier 2014. Musée national de la Renaissance, château d’Écouen, 95440, Ecouen. Tel. 01 34 38 38 50, www.musee-renaissance.fr, tlj sauf le mardi, 9h30-12h45 et 14h-17h15. Catalogue éd. de la RMN-Grand Palais, 176 pages, 29 €
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Écouen - Sur un air de Renaissance
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Abonnez-vous dès 1 €Musée national de la Renaissance - Ecouen - Affiche de l'exposition "Un air de renaissance : la musique au xviè siècle" : Paolo Zacchia, Portrait d’un joueur de viole, huile sur bois, 89,1 x 62,5 cm, Musée du Louvre, Paris. © Photo : RMN (Musée du Louvre)/Franck Raux.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°398 du 4 octobre 2013, avec le titre suivant : Écouen - Sur un air de Renaissance