Difficile d’être le frère cadet d’Alberto Giacometti lorsque l’on est sculpteur ! Difficile d’apprécier l’œuvre de Diego sans y chercher l’empreinte d’Alberto et de la juger sans la faire souffrir de comparaisons. Cette gêne qui embarrasse historiens et chercheurs est d’autant plus difficile à dissiper que les ambitions artistiques de Diego trouvent leur origine dans le travail de son frère qui, le premier, dessine accessoires et objets d’art décoratif à la fin des années 1920. C’est en effet vers 1928 qu’Alberto Giacometti réalise une paire de chenets pour le collectionneur et banquier Pierre David-Weill.
Cette percée dans la décoration qu’Alberto ne reniera jamais, se poursuit avec Jean-Michel Frank pour qui il dessine de nombreux vases et luminaires en plâtre ou en bronze. Dans une interview publiée en 1984 par Beaux-Arts Magazine, Diego qui joue alors le rôle d’assistant raconte : « Lorsque Alberto a exposé aux Indépendants en 1928, Jean-Michel Frank a pris contact lui. J’ai suivi le mouvement… Alberto et moi nous nous occupions d’éléments de décoration, boutons de portes, rampes d’escalier mais surtout du luminaire avec beaucoup d’utilisation de plâtre… C’est toujours Alberto qui dessinait et travaillait l’original, parfois je reprenais pour le modelé. » La polémique longtemps entretenue par certains spécialistes sur le rôle de Diego Giacometti dans les créations de ces objets n’avait plus de raisons d’être et pourtant la controverse continuera.
La véritable carrière de Diego débute en pleine guerre. Resté seul à Paris, Diego reprend des cours de sculpture et choisit de se lancer à son tour dans la création de mobilier parce que, comme il le dit lui-même : « J’aime bien créer des objets qui servent à quelque chose, qui ont un but. » Sa première création est une chaise au dessin rudimentaire fait de simples tiges de fer et de bronze au rendu de matière et à la patine semblable à ce que lui faisait exécuter son frère pour ses sculptures. Christian Bérard, qui partage les mêmes conceptions en matière de décoration que Frank, est le premier à reconnaître le talent de Diego et lui réclame une chaise similaire. Les marchands Aimé et Marguerite Maeght suivent et font réaliser une table et une coiffeuse. Dans le même temps, Diego reprend l’édition de certains luminaires de son frère pour le compte du décorateur Jacques Adnet. Le tirage de ces lampes assurera des revenus réguliers à Giacometti jusqu’à la fin de sa vie.
Au retour d’Alberto, Diego reprend sa place d’assistant et de modèle tout en poursuivant ses propres recherches et en veillant à ne pas profiter de la notoriété grandissante de son frère comme l’atteste
la signature de son prénom sur ses bronzes. Sollicité par une clientèle toujours plus nombreuse, il multiplie les combinaisons de ses carcasses de meubles et les enrichit de sujets animaliers – des chats, des oiseaux – de végétaux mais aussi et plus discrètement de petites figures humaines. Sûr de son art, reconnu par son frère, il se lance dans la création de luminaire augmentant ainsi la gamme de luminaires que son frère avait créés pendant l’entre-deux-guerres et les édite à la demande de décorateurs de renom, Henri Samuel, Georges Geffroy.
Ces créations entraîneront les nombreuses erreurs d’attributions qui entacheront l’appréciation de ces objets.
À la disparition d’Alberto en 1966, Diego se sent la liberté de créer de véritables sculptures et modèle des sujets exclusivement animaliers qui, en se voulant le plus naturalistes possible, se détachent de l’œuvre de son frère. Au début des années 1980, son talent est enfin reconnu par les institutions : le musée des Arts décoratifs lui consacre une exposition personnelle ; le musée Picasso lui confie la création de sièges et d’appareils d’éclairage pour les salles d’exposition.
Les galeristes Christian Boutonnet et Rafaël Ortiz feront de lui l’une des figures emblématiques de la galerie L’Arc en Seine.
Pour fêter les vingt ans de leur galerie, ils ont choisi de présenter un ensemble des œuvres les plus remarquables de Diego Giacometti et de rassembler dans un catalogue de référence l’ensemble des pièces qu’ils ont découvertes depuis ces vingt dernières années.
« Diego Giacometti », PARIS, galerie L’Arc en Seine, 27 et 31 rue de Seine, VIe, tél. 01 43 29 11 02, 3 octobre-31 décembre.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
D’un Giacometti à l'autre
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°551 du 1 octobre 2003, avec le titre suivant : D’un Giacometti à l'autre