Dubrovnik l’humaniste

L'ŒIL

Le 1 juin 2004 - 354 mots

Au XVe siècle, l’existence de foyers humanistes sensibles aux valeurs de l’Antiquité classique (dont plusieurs témoignages majeurs subsistent en Croatie, comme l’immense palais de Dioclétien à Split) favorise l’éclosion de l’art de la Renaissance en Croatie. Mais celui-ci est surtout le fruit d’échanges et de circulations multiples entre la Croatie et l’Italie voisine, notamment Venise qui domine la Dalmatie à partir de 1420. Georges le Dalmate (Juraj Dalmatinac, 1410-1473) architecte et sculpteur, formé à Venise, peut-être dans l’atelier de Jacopo Bellini, est l’artiste majeur de cette période. Son chef-d’œuvre est la cathédrale de Sibenik, dont les voûtes furent élevées suivant un système de construction très moderne, et la coupole comparée à celle de Brunelleschi à la cathédrale de Florence. Son collaborateur Andrea Alessi et son successeur sur le chantier de Sibenik, Niccolo di Giovanni Fiorentino (Nicolas le Florentin) sont les auteurs de la chapelle de Saint-Jean-le-Bienheureux à Trogir, véritable joyau, dont deux des sculptures sont présentées à Écouen. Les mécènes croates font volontiers appel aux maîtres italiens. C’est ainsi que Michelozzo est sollicité pour la construction des remparts de Dubrovnik, et que des commandes sont passées aux plus grands peintres italiens (Carpaccio, Titien, Lotto, Tintoret). À l’inverse, certains artistes connus sous leur nom italien sont en réalité des Croates ayant choisi de faire carrière dans des foyers plus importants, en Italie ou en France. C’est le cas des sculpteurs Giovanni Dalmata et Francesco Laurana, des peintres Giorgio Schiavone (qui décora plusieurs palais vénitiens) et Giulio Clovio, grand peintre de miniatures qui travailla à la cour des Farnèse. La proximité de l’Italie a donc sur les arts en Croatie un double effet : à la fois elle permet l’émergence d’un art nouveau et empêche l’épanouissement d’une « école » véritablement autonome. Sans doute était-il difficile de grandir à l’ombre de Venise.
L’exposition présente une cinquantaine d’œuvres (peintures, sculptures, dessins, gravures, enluminures, orfèvrerie), réparties dans les salles magnifiques du château d’Écouen, et offre l’occasion de découvrir ou redécouvrir ce haut lieu de la Renaissance française.

« La Renaissance croate », Musée national de la Renaissance, château d’Écouen (95), tél. 01 34 38 38 50, jusqu’au 12 juillet.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°559 du 1 juin 2004, avec le titre suivant : Dubrovnik l’humaniste

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