Associé à une certaine forme de sobriété, l’art hollandais n’en a pas moins été sensible au XVIIIe siècle aux séductions et aux volutes du style rococo, venu de France. Les centaines d’objets rassemblés au Rijksmuseum d’Amsterdam offrent un regard nouveau
sur une période peu étudiée de l’histoire des Pays-Bas.
AMSTERDAM - Cette éblouissante exposition consacrée à l’architecture rococo et aux arts décoratifs des Pays-Bas explore un domaine qui n’a jamais été sérieusement étudié auparavant et qui reste méconnu, même en Hollande. La sélection réalisée principalement dans les collections hollandaises par Rainier Baarsen, conservateur des arts décoratifs occidentaux au Rijksmuseum, comprend non seulement des céramiques, de l’argenterie et des meubles mais aussi une grande variété d’objets, qui donnent une image précise de la société hollandaise du XVIIIe siècle : plaques célébrant les donateurs, coffrets pour le stadhouder, peintures et sculptures (notamment par Jan Baptist Xavery), boiseries et tablettes de cheminée. La présentation audacieuse et brillante, où Mme de Pompadour rejoint Philippe Starck, complète et souligne la nature essentiellement décorative des objets exposés.
Admirablement bien documentée, l’exposition envisage le sujet sous l’angle de la commande et des manufactures. Jusqu’à sa mort en 1751, le stadhouder Guillaume IV aura été “le plus ambitieux et le plus solide protecteur du style rococo des Pays-Bas”. Il a entretenu à La Haye une cour à laquelle il tenait absolument à donner le charme français alors à la mode. Durant la brève période où il a exercé sa fonction, son enthousiasme prononcé pour le style français l’a incité à faire fabriquer son propre mobilier, avec ses accessoires, comme une stupéfiante paire de torchères de 1749-1751, œuvre d’Agostino Carlini. Cela a également persuadé les villes et les individus qui souhaitaient gagner ses faveurs de lui présenter des objets dans le même style, comme des coffrets en or. L’influence du goût de la cour a été renforcée par la présence des nombreux orfèvres huguenots qui, durant la guerre de Sept Ans, sont venus d’Allemagne ou de France chercher des protecteurs dans les Pays-Bas pacifiques. Avec eux, ils apportaient les toutes dernières inventions rococo. À partir de 1767, la popularité du goût rococo s’est ravivée sous le patronage de Guillaume V, et la dernière partie de cette exposition présente la production réalisée sous son règne.
“Le rococo aux Pays-Bas, une explosion ornementale” ne cherche pas à exagérer la réussite du rococo hollandais. Ce style ne s’est pas profondément enraciné dans la culture nationale. À l’exception de Pieter de Swart, à Amsterdam, aucun architecte hollandais n’a utilisé le style rococo, et les décorations intérieures telles que celles, remarquables, de la chambre d’une maison du Keizergracht, décrite dans le catalogue comme la pièce la plus riche d’Amsterdam, ont été essentiellement l’œuvre d’artisans. En dépit de l’influence souvent apparente des grands créateurs français, un style rococo hollandais original a néanmoins émergé, même si des fabricants importants, tels les céramistes de Delft, demeuraient rebelles. Dans bon nombre de cas, l’ornement rococo est appliqué comme un pur ornement de surface, ce que montre un fauteuil d’Amsterdam datant de 1750 environ. Mais certains artisans ont tenté des expériences plus audacieuses et obtenu des résultats surprenants, comme si, confrontés à la difficulté de transposer en trois dimensions des dessins sur cahier, ils avaient accentué des caractéristiques tout à fait nouvelles pour produire des objets qui auraient sans doute paru déplacés dans un intérieur français contemporain. Un meuble aux formes amples et audacieuses datant de 1755-1763 environ, et appartenant au Rijksmuseum, est traité en formes gonflées et bombées dans le goût allemand, tandis qu’une rangée de chaises très originales réinterprètent des idées copiées sur un cahier, sans peut-être toujours maîtriser le potentiel des dessins ainsi imités. L’argenterie est exposée à profusion et une grande attention est apportée aux effets décoratifs, opposant le style d’Amsterdam à celui de La Haye. Les différents services, y compris le service à dîner de mariage, exécuté sur commande par plusieurs artisans de La Haye à la fin des années 1750 et qui appartient maintenant au grand duc du Luxembourg, présentent des motifs décoratifs rococo, tout en restant relativement modérés, voire ordinaires, dans leur forme générale.
- LE ROCOCO AUX PAYS-BAS : UNE EXPLOSION ORNEMENTALE, jusqu’au 3 février, Rijksmuseum, Stadhouderskade 42, Amsterdam, tél. 31 20 6747 047, tlj 10h-17h.
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Du rococo aux Pays-Bas
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°139 du 21 décembre 2001, avec le titre suivant : Du rococo aux Pays-Bas