« On dirait le Sud. Le temps dure longtemps.
Et la vie sûrement. Plus d’un million d’années. Et toujours en été... » : c’est en ayant en tête les paroles de Nino Ferrer que l’on peut parcourir – puisque cette manifestation se penche sur le mineur et qu’on a en souvenir la fameuse sortie de Gainsbourg (« La chanson est un art mineur ») – l’exposition chorale « Les chemins du Sud, une théorie du mineur » au Mrac de Sérignan, conçue par Emmanuelle Luciani et Charlotte Cosson (Southway studio), figurant en 2018 dans le top 10 des commissaires d’exposition indépendants du Journal des Arts. Suivant un circuit haut en couleur occupant la totalité des espaces d’exposition du Mrac, et réunissant aussi bien des artistes modernes (Redon, Derain, Dufy…) ou établis (Traquandi...) que des jeunes plasticiens (tels Lucile Littot ou Zoë Paul), les visiteurs quittent l’autoroute d’une histoire de l’art officielle axée sur les grandes capitales européennes et américaines, pour emprunter les chemins de traverse du Sud, envisagé ici plutôt de manière métaphorique, afin de remettre au centre la marge, à savoir les arts décoratifs (la céramique ou le tissage), avec pour hypothèse qu’une autre histoire de la modernité est possible. Un focus particulier est mis sur le mouvement Pattern & Decoration qui, au milieu des années 1970, se recentrait sur le motif et envisageait « l’ornementation comme soin ». C’est peu dire que la démonstration au MRAC est convaincante : on se sent bien dans cette scénographie agencée telle une œuvre d’art totale, égrenant, sans jamais chercher à opposer artiste et artisan, sculptures, peintures, céramiques émaillées, meubles et vitraux. Bercé par le bruissement d’eau zen d’une fontaine d’intérieur proposée par Vincent de Hoÿm, le visiteur s’ouvre allègrement au fait main du vernaculaire enchanteur sans jamais regretter la froideur industrielle du capitalisme carnassier !
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°726 du 1 septembre 2019, avec le titre suivant : On dirait les chemins du Sud