Dimitrijevic, pièce unique

Au château d’Oiron, dans les Deux-Sèvres, l’œuvre que Braco Dimitrijevic a spécialement réalisée pour la salle des Jacqueries ne manque jamais d’interpeller les visiteurs. Constituée sur le mode de ce qu’il appelle des Triptychos Post Historicus, celle-ci associe fourches, tableaux classiques et noix de coco, et renvoie sous le titre de La Dernière Bataille de Paolo Uccello aux guerres paysannes du temps jadis. Voilà une bonne vingtaine d’années que cet artiste d’origine yougoslave, né à Sajarevo en 1948, installé à Paris dans les années 1970, multiplie les juxtapositions les plus inattendues, curieux de confronter culture savante, culture populaire et nature. Invité à présenter une « pièce unique » dans ce lieu peu banal du quartier Saint-Germain, dont la vitrine sur rue offre à voir une œuvre et une seule, Dimitrijevic a choisi de présenter un grand tirage photographique pour le moins surprenant. On y voit en effet un petit troupeau d’autruches réunies autour d’un superbe piano Steinway. L’image, qui a été réalisée lors de l’exposition de l’artiste à la ménagerie du jardin des Plantes, il y a cinq ans, procède de « cette rencontre du hasard » orchestrée par lui entre un animal sauvage et une œuvre d’art ou un objet culturellement chargé. Ce type de confrontation qui met en exergue l’élégance naturelle des animaux et le raffinement suggéré d’une culture de la musique est une façon de nous parler du beau à travers la magie d’une rencontre improbable et pourtant effective. Tous les soins de l’artiste relèvent de l’irrésistible envie de nous donner à regarder une représentation fragmentée du monde en opérant des rapprochements que la vie au jour le jour, nous interdit même parfois d’imaginer. De l’art, de la magie, voire de la magie de l’art.