La double exposition Maurice Tabard-Roger Parry évoque une amitité photographique autant que la personnalité de deux auteurs. Elle permet aussi de montrer une partie du fonds Parry géré par la Mission du patrimoine photographique, et offre l’occasion d’éditer un beau livre, informé et judicieux, sur Roger Parry. Point n’était pourtant besoin de faire appel à des titres ronflants (Le météore fabuleux, La joie savante des expérimentations) qui ne peuvent convaincre ni l’amateur ni le sceptique.
PARIS - Bonne idée que ce rapprochement de deux compères en photographie, cette conjugaison de vivacité – malgré l’écartèlement dans deux espaces si différents, au sous-sol de l’Hôtel de Sully –, cette évocation d’une amitié qui se concrétise notamment par une complicité de travail photographique, un partage d’influences, et une insertion tranquille dans le cours d’une avant-garde bien acceptée. Une réciprocité généreuse qui caractérise aussi les quelques années heureuses de l’entre-deux-guerres (1925-1935 environ) bien vite ternies par de sombres présages, un activisme confiant – celui de la Nouvelle Vision – qui va de Los Angeles à Moscou en passant par Dessau (Bauhaus), Berlin et Amsterdam, et donne un nouveau visage à notre environnement visuel (les livres, les publicités, les magazines).
En 1928, Tabard, l’aîné, déjà photographe, de retour des États-Unis, rencontre le plus jeune, Roger Parry, étalagiste au Printemps, et lui transmet des tours de main techniques et le goût des nouveautés diffusées par Moholy-Nagy à partir de 1925. Les comparses font d’emblée partie du paysage photographique parisien – celui de Germaine Krull, Eli Lotar, Man Ray, André Kertész –, bien intégrés au style international qui fait feu de photogrammes, surimpressions de deux négatifs, photomontages, solarisations, compositions allégoriques, avec un intérêt pour le Surréalisme, ou du moins l’évocation poétique ou l’ambiguité du message. Mais malgré l’identité des techniques et du traitement de l’image, chacun en tire son propre langage, à preuve les illustrations de Parry (et de l’autre compère, Fabien Loris, avec lequel il se fâchera) pour Banalité, de Léon-Paul Fargue, dont les illustrations photographiques comptent parmi les standards rétrospectifs de l’édition : des surimpressions que l’on peut comparer à celles de Tabard, moins oniriques, plus objectives, et centrées sur la figure féminine.
Photographie d’illustration
C’était le temps où les médias étaient très demandeurs de photographies de toutes sortes, retravaillées, éventuellement coloriées à la main comme celles de Parry pour des couverture de romans policiers : la photographie d’illustration est devenue une réalité dont vivent de nombreux photographes, ce qui est après tout une grande nouveauté en soi. Tabard travaillera pour les magazines (Vogue, Harper’s Bazaar), Parry éditera Tahiti (1934) pour l’Univers des Formes, la collection dirigée par Malraux. On est aussi au plus près du corps, de la vie et des objets quotidiens ; on se sert de la photographie plus qu’on ne sert une mission. La guerre, bien sûr, aura raison de cette connivence.
L’ouvrage publié par Marval sur Roger Parry, qui contient deux études de Christian Bouqueret et Christophe Berthoud, est agréable, élégant, modeste, et vient enrichir une bibliographie où les auteurs français se font rares. Signalons dans la même collection : Jacqueline Salmon, Clairvaux, textes de Charles Juliet et Thierry Dumanoir, un commentaire visuel très personnel sur la centrale pénitientiaire, autour du thème "Surveiller et Punir".
ROGER PARRY, LE MÉTÉORE FABULEUX, MAURICE TABARD, LA JOIE SAVANTE DES EXPÉRIMENTATIONS, Hôtel de Sully, 62, rue Saint-Antoine 75004 Paris, jusqu’au 10 mars, tlj, sauf le lundi, de 10h à 18h30. Livre, Roger Parry, le météore fabuleux, textes de Christophe Bertoud et Christian Bouqueret, Marval, 120 p., 198 F.
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Deux comparses en photographie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°23 du 1 mars 1996, avec le titre suivant : Deux comparses en photographie