Le Louvre met en lumière la sculpture de Desiderio Da Settignano, sculpteur toscan du « quattrocento » longtemps resté dans l’ombre du grand Donatello.
PARIS - S’il ne bénéficie pas de la communication des manifestations consacrées à Hogarth et à Rembrandt, cet éclairage du travail de Desiderio Da Settignano (vers 1430-1464) constitue l’une des expositions les plus intéressantes proposées cet automne par le Musée du Louvre. Celle-ci présente en effet un caractère exceptionnel : la réunion, grâce à une collaboration exemplaire avec le Musée national du Bargello de Florence et la National Gallery de Washington, de dix-sept pièces sur la quarantaine aujourd’hui attribuées au sculpteur tosacan. Son objectif est de proposer une relecture de l’œuvre d’un artiste très apprécié des amateurs dès le XIXe siècle pour son stil dolce – alliant raffinement et douceur du traitement –, mais qui est resté, à l’aune de l’histoire de l’art, dans l’ombre de la première génération de sculpteurs de la Renaissance : Ghiberti, Brunelleschi, Luca Della Robbia et surtout Donatello. Un purgatoire historiographique auquel a sans doute contribué Vasari, auteur sur l’artiste d’une courte notice biographique erronée sur de nombreux points, qui a minoré aux yeux de nombreux historiens de l’art l’originalité de Desiderio dans le paysage artistique toscan du quattrocento.
Bas-relief presque graphique
Né vers 1430 à Settignano, près de Florence, Desiderio grandit dans le milieu des tailleurs de pierre et s’inscrit à la corporation des maîtres de la pierre et du bois dès 1453, année au cours de laquelle il obtient sa première grande commande, le tombeau de Carlo Marsuppini (église Santa Croce, Florence), illustré par plusieurs gravures. Déjà, Desiderio y manifeste ses qualités décoratives et surtout sa propension au travail du marbre. Comme ses homologues, les frères Rosselino – également originaires de Settignano – ou Mino Da Fiesole, Desiderio livre en nombre des commandes à la mode, notamment dans le domaine de la sculpture décorative (cheminées, retables, blasons…). Il excelle cependant dans la production de bustes de jeunes enfants dont les trois exemplaires juxtaposés dans l’exposition constituent un admirable répertoire d’expressions spontanées, qu’observa sans doute Houdon, au XVIIIe siècle. La célèbre Madone Panciatichi (vers 1460, Musée national du Bargello, Florence), inspirée comme beaucoup d’autres de la formule de la Madone Pazzi de Donatello (Staatliche Museen, Berlin, non présentée), témoigne du talent de Desiderio pour l’exécution du stiacciato, ce très fin relief en méplat produisant d’étonnants effets de profondeur. Elle révèle aussi la distance prise avec la leçon donatellienne. Quand Donatello insuffle sévérité et inquiétude à ses figures – en préfiguration à la Passion –, Desiderio lui préfère le registre de la complicité affectueuse entre la mère et l’enfant. Pourtant, plusieurs œuvres ont fait l’objet d’attributions hésitantes entre les deux artistes. Ainsi du Saint Jean-Baptiste Martelli (vers 1440-1457, Musée national du Bargello), donné tantôt à l’un tantôt à l’autre, qui fait désormais l’objet d’un compromis entre les historiens de l’art. Cette grande ronde-bosse aurait ainsi été créée par Donatello avant son départ pour Sienne en 1457, puis achevée par Desiderio.
L’heureuse juxtaposition de deux bas-reliefs prouve cependant que ce dernier fut un sculpteur plus original que ne le pensait Vasari. Saint Jérôme dans le désert (vers 1460-1464, National Gallery of Art, Washington) révèle en effet son talent à composer une vaste scène narrative – unique dans son corpus –, centrée sur une figure dont l’expressivité est bien plus affirmée que dans les reliefs mariaux, le tout baignant dans une atmosphère presque vaporeuse due à l’extrême finesse du relief. Le second, Jules César (vers 1460), entré au Louvre en 1882 et longtemps attribué à Donatello, est l’un des premiers témoignages du renouveau, dans la seconde moitié du siècle, de l’intérêt pour les portraits à l’antique, inspirés des camées et médailles. Ce profil presque graphique, qui se détache sur une simple plaque de marbre, résume à lui seul le talent et la virtuosité de Desiderio, capable d’associer au naturalisme de la figure un extrême raffinement de la taille du marbre.
Jusqu’au 22 janvier 2007, Musée du Louvre, aile Richelieu, 75001 Paris, tél. 01 40 20 43 17, www.louvre.fr, tlj sauf mardi 9h-17h30, mercredi et vendredi jusqu’à 22h. Cat. Coéd. 5 Continents/Musée du Louvre, 288 p., 39 euros, ISBN 978-2-35031-086-2.
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Desiderio révélé
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaires de l’exposition : Marc Bormand, conservateur au département des Sculptures, Musée du Louvre ; Béatrice Paolozzi Strozzi, directrice du Musée national du Bargello, Florence ; Nicholas Penny, conservateur en chef du département des sculptures et arts décoratifs, National Gallery of Art, Washington - Nombre d’œuvres : 26 - Nombre de salles : 4
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°247 du 17 novembre 2006, avec le titre suivant : Desiderio révélé