Entre exposition classique et mise en scène ludique, « Indian Summer » tente, avec charme et maladresse, de témoigner de la permanence d’une culture indienne qui n’appartient pas au seul passé de l’Amérique.
BRUXELLES (de notre correspondant) - Le ton est donné dès l’entrée : grâce à une projection par hologramme, le costume de chef indien s’anime, donnant la parole à ce qui semblait promis au silence des musées... et des réserves. Tout en respectant une articulation historique – avant et après l’arrivée des Européens – et ethnographique – les grandes aires culturelles de l’Amérique du Nord, depuis l’Arctique jusqu’à la Californie, en passant par le Subarctique, la côte Nord-Ouest, le Plateau, le Grand bassin, les Plaines, les Woodlands, le Sud-Est –, l’exposition apparaît “colonisée” par un désir de sensationnel qui transforme une partie des pièces présentées en support pour attraction de foire. Montrer ne suffit plus, il faut participer. Le caractère littéral de certaines scénographies – comme celle qui, pour rendre la “sensation” de la traversée de l’Atlantique, oblige le spectateur à traverser une suite de passerelles décorées de voiles – ne peut manquer d’agacer lorsque l’effet s’accompagne d’une gêne, voire d’une difficulté imposée à certains visiteurs handicapés. On doutera de l’argument qui voit dans la reconstitution d’une longhouse des Woodlands, d’une kiva du Sud-Ouest ou d’un chariot de pionniers le lieu de remise en contexte des objets exposés. Éclatée, la culture indienne semble s’être réorganisée pour l’occasion sur des éléments de scénographie déployés à partir du monumental tipi qui occupe le centre de la présentation.
Cette confusion, qui aboutit à ce que la mise en scène et le show finissent par prendre l’ascendant sur l’objet lui-même, est regrettable, d’autant que les pièces rassemblées sont de très grande qualité et se suffisent à elles-mêmes. Surdimensionné, l’aspect spectaculaire occulte la réalité des objets et rompt le dialogue, pourtant intéressant, que les organisateurs de l’exposition ont réussi à créer entre présentation muséologique et compréhension ethnographique. Les nombreux films réunis remettent seuls en contexte ce qui apparaît ici comme une œuvre d’art consacrée et qui n’est qu’un élément de la vie quotidienne et de ses rites. Il faut dès lors suivre attentivement les projections, aussi précieuses que l’audioguide remarquablement conçu, pour voir tel masque ou tel calumet recouvrer sa pleine signification.
Menacé par la scénographie, l’équilibre entre la présentation de l’objet et son interprétation ethnographique trouve une meilleure résolution dans la dernière partie de l’exposition. Celle-ci retrace les difficiles relations qui ont lié et qui lient encore ces “premières Nations” aux pionniers européens : la conquête, l’évangélisation et l’alphabétisation, la vie des réserves et la place de l’Indien dans l’imaginaire occidental sont traités tout en mettant en question le regard ethnographique qui reste fondamentalement européocentrique. Malgré ses défauts, l’exposition permettra certainement de mieux appréhender la diversité des cultures amérindiennes qui, des Inuits aux Navajos, entendent conserver un avenir face à la suprématie de l’homme blanc qui voit toujours en elles un exotisme inépuisable.
Jusqu’au 26 mars, Musées royaux d’art et d’histoire, Parc du Cinquantenaire, 1000 Bruxelles, tél. 32 2 741 72 11, tlj sauf lundi 10h-17h, jeudi 10h-22h. Catalogue 230 p., 890 FB.
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Des Indiens dans la ville
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°92 du 5 novembre 1999, avec le titre suivant : Des Indiens dans la ville