Le Musée Carnavalet présente son fonds de gravures parisiennes de la seconde moitié du XVIIe siècle. Près de 300 œuvres dressent un tableau historique et artistique de la capitale sous Louis XIV.
PARIS. Montesquieu, dans les Lettres persanes, décrit Paris comme une cité fourmillante, en proie à une agitation désordonnée. Personnages de la bonne société se frayant un chemin parmi les gens de métier, bousculades, invectives, activité des chantiers royaux aux Tuileries, aux Invalides, au Collège des quatre Nations, sur la place Vendôme… La verve descriptive de l’écrivain des Lumières s’inspire peut-être de quelque scène de genre gravée par Abraham Bosse ou Pierre Brébiette. Le Musée Carnavalet rassemble, sur le thème de “Paris et les Parisiens au temps du Roi-Soleil”, environ 300 estampes provenant de son cabinet d’arts graphiques. Un tiers des œuvres représentent des vues urbaines ou des architectures d’Israël Silvestre, Jean Marot et Jacques Callot. Autant de précieux témoignages d’une ville en complète transformation depuis les grands travaux de Colbert. Dans une veine plus anecdotique, directement sous l’influence flamande, les “cris de Paris” illustrent la vie quotidienne des artisans, vendeurs ou bourgeois dans la capitale. Les clients étaient particulièrement friands de ces sujets familiers, abondamment traités par Abraham Bosse, Pierre Brébiette, Sébastien Leclerc et les Bonnard. Une partie importante de l’exposition est consacrée aux proverbes, allégories et portraits à connotation morale ou politique. Par sa facilité de reproduction et son coût modique, la gravure apparaît vite au pouvoir monarchique comme un instrument de propagande exceptionnel. Les almanachs informent la population des événements marquants de la Cour, tandis que les portraits officiels sont diffusés à grande échelle. C’est d’ailleurs à l’instigation du portraitiste Robert Nanteuil qu’en 1660, un arrêt du Conseil d’État reconnaît aux graveurs le statut d’artistes à part entière. Autant qu’un instantané de la vie parisienne, le Musée Carnavalet donne donc à voir l’épanouissement d’une technique, devenue mode d’expression autonome. Les améliorations techniques apportées par Jacques Callot et diffusées par Abraham Bosse contribuent au développement quantitatif et qualitatif des estampes. Une nouvelle formule de vernis est employée pour les eaux-fortes, qui prennent alors le pas sur le traditionnel burin. Le maître n’a plus qu’à inciser le dessin dans le vernis, plonger la plaque de cuivre dans l’acide et laisser celui-ci entailler le métal dans les parties non recouvertes. Le travail, moins pénible qu’au burin, autorise les retouches et offre un trait souple et précis. La gravure s’élève bientôt au rang d’œuvre d’art que l’on collectionne.
PARIS ET LES PARISIENS AU TEMPS DU ROI SOLEIL, du 5 novembre au 18 janvier, Musée Carnavalet, 23 rue de Sévigné 75003 Paris, tél. 01 42 72 21 13, tlj sauf lundi et jours fériés, 10h-17h40. Entrée 35 F, TR 25 F.
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Des gravures capitales
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°46 du 24 octobre 1997, avec le titre suivant : Des gravures capitales