L’exposition assume joyeusement sa subjectivité, veut multiplier les axes et esquisser des filiations légères. Les chapitres égrènent alors la vie merveilleuse de Marcel Duchamp, s’aventurent avec Bertrand Lavier ou Gérard Collin-Thiébaut vers des hommages plus explicites ; ou encore avec Pierre Bismuth qui rhabille d’une découpe blanche une jeune femme nue affrontant Marcel Duchamp aux échecs dans une photographie.
S’ajoutent les champs de l’érotisme, du ready-made ou encore le principe de la liquidation de la gravité, chère à Marcel Duchamp. Lui qui ne cessa de suspendre ses objets, qui emprisonna l’air et mit en scène bien des histoires de Haut et de Bas, à commencer par Le Grand Verre (ou La Mariée mise à nue par ses célibataires, même).
Les signes de Duchamp dans l’art actuel
Half the air in a given space, de Martin Creed, présente une version vert pomme de l’installation tant de fois activée par le jeune artiste britannique. Soit des ballons de baudruche ordinaires et identiques, occupant pour moitié l’air d’un espace donné et clos. Rien de plus. Reste au spectateur à se frayer un passage au travers de ces objets moins volatiles et inoffensifs qu’il n’y paraît.
Très vite, la progression se complique, la fête de latex désoriente, et le parcours se fait étouffant, montrant si besoin était que la moitié de l’espace, confisquée dans des ballons, peut s’avérer très
encombrée. Plutôt que de ballons colorés, c’est finalement tout autant d’air soustrait et d’air disponible que nous parle Martin Creed.
Autre flottement fantomatique et qui vient cette fois jouer sur le terrain du ready-made, celui qu’orchestre parfaitement Simone Decker. Ghosts organise une fantasque forêt phosphorescente de sculptures monumentales. Des sculptures sélectionnées dans l’espace public à Luxembourg. Et déplacées. Reprises grandeur nature, identiques aux originales, massives dans leurs volumes, mais légères, si légères dans leur matière creuse et leur phosphorescence, les sculptures ainsi unifiées se font silhouettes, tordant l’histoire, déjouant la permanence et la solidité ordinairement rattachées à la commande publique. Devenues génériques, elles aménagent un paysage dense, un conciliabule muet de géants instables et spectraux.
Espace toujours, mais contrarié, avec Philippe Ramette dont la présence élégante et distanciée s’imposait. Par deux fois : une caisse en bois dans laquelle s’enroulent trois cordes destinées à être suspendues à la cloison, un Nécessaire à déplacer qui modifie potentiellement l’espace d’exposition, en jouant sur le renversement du rapport de l’œuvre au mur. Et Le Harnais, fixé au sol, possible poignée par laquelle l’utilisateur serait invité à soulever le sol de l’exposition. Encore une épreuve de la gravité. Et de basculement d’espace.
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Des démarches différentes et librement inspirées du père du ready-madeDes démarches différentes et librement inspirées du père du ready-made
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°582 du 1 juillet 2006, avec le titre suivant : Des démarches différentes et librement inspirées du père du ready-madeDes démarches différentes et librement inspirées du père du ready-made