Densité

Périlleux exercice que celui de l’exposition collective à dense ambition théorique, qui prend le risque de distancer le spectateur et de réduire les œuvres au rang d’illustration. Bien souvent d’ailleurs, c’est dans le catalogue que l’exercice trouve son meilleur achèvement. Mais la manœuvre a ses mérites, parmi lesquels celui de risquer et de structurer une proposition. À l’origine du nouvel opus du genre déroulé à l’espace Ricard, la reprise tout azimut du politique dans l’art, reprise constatée par Cyril Jarton et Laurent Jeanpierre – respectivement critique et sociologue – qui rassemblent une vingtaine d’artistes parmi lesquels Thierry Mouillé, Bruno Perramant, Philippe Ramette ou Alain Séchas. Le projet, qui veut tout (trop ?) dire, évalue avec eux les conditions d’efficience d’un art à charge critique. Échafaudant un socle emprunté au vocabulaire militaire, les commissaires segmentent et articulent leur projet autour des mots d’ordre et des mots de passe. Convertis en stratégies confusément appliquées aux champs de l’art et du politique, les premiers pourraient évoquer un mouvement vertical, un lien symbolique et illusoire fixé par l’autorité, entre l’énoncé, le slogan, la mise au pas et l’instruction. Jarton et Jeanpierre y associent des œuvres procédant par constats ou détournements, parmi lesquelles le très troublant Arbeit macht Frei tracé au néon d’une fine écriture d’enfant par Claude Lévêque. Les seconds, multidirectionnels, pourraient être infiltrations créatrices, entre libération et résistance, procédant par invention de nouveaux territoires plutôt que retournement des armes du pouvoir. L’ensemble du parcours en profite alors pour prendre (salutairement) ses distances avec l’exercice usé du renversement des représentations symboliques du pouvoir et l’hyper-recours à l’ironie dans les pratiques artistiques contemporaines.