Dijon et Aix-en-Provence présentent la collection de l’historien de l’art passionné par la peinture napolitaine du « Seicento ».
Dijon et Aix-en-Provence. Les grandes collections d’art ancien se caractérisent souvent par leur éclectisme et la présence de grands maîtres : Nélie Jacquemart, Léon Bonnat, ou plus récemment le couple Alana ont rassemblé un concentré de l’histoire de la Renaissance. Ingénieur dans les télécommunications, Giuseppe de Vito (1924-2015) a eu, lui, une démarche bien différente. Dès les années 1960, il pose les premières pierres d’une collection focalisée exclusivement sur le XVIIe siècle napolitain. Un choix qui doit sûrement un peu à sa jeunesse passée en Campanie, mais aussi beaucoup à Raffaelo Causa, spécialiste du XVIIe siècle qui l’oriente vers Naples, pour les opportunités non pas tant financières que pour lui permettre de mener ses recherches scientifiques.
C’est au Musée Magnin de Dijon que l’on découvre cette collection. Une institution fondée autour d’une collection éclectique réunie par Jeanne et Maurice Magnin, bien loin de la rigueur scientifique que s’impose l’ingénieur milanais dans ses choix d’acquisition. De Vito applique, en effet, une démarche de science « dure » à sa vie d’historien de l’art. De collectionneur, il devient, après sa carrière d’ingénieur, un chercheur reconnu, avec quelque soixante-dix publications scientifiques, et la création d’une publication de référence sur le Seicento napolitain. Son travail est conservé aujourd’hui au sein de la fondation qu’il a créée en Toscane, qui héberge sa collection et qui soutient la recherche sur l’art napolitain.
L’exposition s’établira ensuite, à partir du 15 juillet, au Musée Granet d’Aix-en-Provence, un lieu bien différent des intérieurs moulurés des Magnin. Le scénographe du parcours, Jean-Paul Camargo, a dû constituer un mobilier modulable s’adaptant aux deux musées, tout en organisant le propos très structuré de l’exposition, composé de neuf sections. Couleurs franches, mobilier simple et ingénieux créant de légers décalages sur les cimaises, la scénographie se plie agréablement à ces deux contraintes.
L’exposition rend hommage au travail scientifique du collectionneur réservant, par exemple, une place de choix – en fin de parcours – aux natures mortes, sujet auquel De Vito a consacré de nombreuses publications. L’occasion de découvrir ou redécouvrir de grands maîtres du genre, comme Paolo Porpora ou Giuseppe Recco, représentés par deux toiles au naturalisme troublant.
L’ensemble du parcours démontre l’enchevêtrement d’influences qui a fait de Naples un foyer artistique singulier, mêlant l’exaltation de la foi au réalisme caravagesque, marqué par la diversité des commanditaires : religieux, marchands, mais aussi la Couronne espagnole qui régnait alors sur la région. Au-delà des grandes compositions sacrées de Luca Giordano ou Massimo Stanzione, les plus connues de l’art napolitain, le travail de Giuseppe De Vito permet aujourd’hui de découvrir des chefs-d’œuvre oubliés. À l’image d’un Homme méditant devant un miroir, attribué pour l’heure au Maître de l’Annonce aux bergers [voir ill.], une toile à la composition simple et captivante et qui dénote une profonde réflexion sur l’art pictural.
Et du 15 juillet au 29 octobre, Musée Granet, place Saint-Jean de Malte, 13100 Aix-en-Provence.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°612 du 26 mai 2023, avec le titre suivant : De Vito, l’ingénieur devenu collectionneur