Un an après la destruction, par
le régime des talibans,
des bouddhas de Bamiyan, vieux de plus de quinze siècles, le Musée des arts asiatiques Guimet consacre une exposition au patrimoine afghan et rend hommage au Musée de Kaboul, délabré par plusieurs années de guerre. Présentées auparavant à
la Fondation La Caixa, à Barcelone, les pièces témoignent d’influences à
la fois hellénique, indienne
et islamique.
PARIS - En visite officielle à Paris les 28 février et 1er mars derniers, Hamid Karzaï, président du gouvernement provisoire afghan, s’est déclaré, dans un entretien accordé au Figaro, “particulièrement heureux” d’inaugurer l’exposition sur “les trésors de l’héritage culturel de l’Afghanistan préservé au Musée des arts asiatiques Guimet. La France a offert de les conserver jusqu’à la reconstruction de notre musée à Kaboul, endommagé par la guerre”. Les quelque 250 pièces présentées, statues de bouddhas, bronzes, verres, laques et ivoires, sont autant de témoignages des mouvements et des conquêtes ayant affecté le pays pendant près d’un millénaire. Niché dans les montagnes d’Asie centrale, le territoire actuel de l’Afghanistan se situait jadis sur la Route de la soie, véritable point de rencontre de multiples cultures et, après avoir été dominé par des dynasties grecques, indiennes et iraniennes, fut placé sous l’autorité des califes omeyyades, arrivés au VIIe siècle, puis des Abbassides. Cela dit, comme le rappelle dans le catalogue Jean-François Jarrige, directeur du Musée Guimet, il ne s’agit pas d’”un simple carrefour d’influences des grandes civilisations. Cette région a su en effet souvent profiter de la prospérité due à sa position géographique au cœur des réseaux d’échanges commerciaux, pour apporter une contribution originale et importante à l’histoire culturelle de cette partie du monde”. Chronologique, le parcours évoque l’époque protohistorique, en guise d’introduction, avec les verres à pied, figurines zoomorphes, pointes de flèche ou sceaux (2800 avant notre ère) découverts sur le site de Mundigak, dans la région de Kandahar, ou encore les statuettes composites de chlorite et de calcaire aux formes géométriques, typiques de la Bactriane occidentale à l’âge du bronze.
Squelettes, démons et barbares
Généralement abîmée ou amputée, la sculpture bouddhique de l’époque kouchane – du nom de l’Empire Kouchan qui dominait presque tout le territoire afghan au Ier siècle – opère la synthèse des traditions nomades, bactriennes, grecques et indiennes, qu’illustre parfaitement l’imposant Bouddha assis, la Tête monumentale de Bouddha ou encore le Bodhisattva assis (Ier-IIIe siècle), provenant du Gandhara (région de Peshawar), au Pakistan. Leur succèdent des statues retrouvées à la fin des années 1920, à Hadda – village moderne d’Afghanistan oriental, à 12 kilomètres de Jalâlâbâd –, telle la série grimaçante et particulièrement expressive des petites têtes de démon, ascète, gaulois, chien, squelette ou barbare, en stuc. Devant la majesté de certaines figures, comme le Génie aux fleurs (IIIe-IVe siècles), André Malraux exprimait déjà, en 1931, son “attendrissement devant l’être humain conçu comme créature vivante et non comme créature de douleur”. L’exposition met ensuite en exergue l’art islamique, scindé en deux parties : avant et après les invasions mongoles. Plateau, encrier, lampe et de nombreuses coupes, provenant des régions du Khurâsân ou de Mâverâ’ al-Nahr, évoquent l’art du bronze et de la céramique tandis que les statues funéraires, bijoux et objets domestiques du Nuristan, région montagneuse et boisée, datant du XIXe siècle, concluent ce chemin qui retrace trop brièvement un millénaire d’histoire afghane.
Afin de mettre en lumière les coutumes et la culture afghanes, plusieurs lieux parisiens se sont associés en un festival “Itinéraires afghans”?. Les photographies de la journaliste Françoise Spiekermeier, des images de la vie quotidienne dans la zone contrôlée par l’Alliance du Nord prises en mai 2001, sont affichées en extérieur place Stalingrad, tandis que les auditoriums du Louvre, du Musée Guimet et le Forum des Images diffusent des films sur le patrimoine afghan, le travail de Christophe de Ponfilly ou les réalisations de deux jeunes cinéastes. La musique, la littérature et le théâtre sont également à l’honneur (jusqu’au 28 avril, tél. 01 42 09 18 16).
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De Kaboul à Paris
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Abonnez-vous dès 1 €- AFGHANISTAN, UNE HISTOIRE MILLÉNAIRE, jusqu’au 27 mai, Musée des arts asiatiques Guimet, 6 place d’Iéna, 75116 Paris, tél. 01 40 13 49 13, ouvert tlj sauf mardi, 10h-18h. Catalogue RMN, 205 p., 39,50 euros.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°145 du 22 mars 2002, avec le titre suivant : De Kaboul à Paris