Françoise d’Aubigné, plus connue sous le nom de Madame de Maintenon, retrouve les appartements qui furent les siens au château de Versailles dans une exposition biographique rigoureuse.
Versailles. Au premier étage du logis central, à deux pas de l’appartement du roi, quatre pièces intimistes, généralement fermées à la visite, retrouvent pour quelques mois les effets et les œuvres d’art de Madame de Maintenon, qui y fut logée de 1680 à 1715. Pour célébrer le tricentenaire de la mort de Françoise d’Aubigné (1635-1719), le château de Versailles offre en effet une exposition biographique à celle que l’histoire a retenue sous le nom de « Madame de Maintenon ».
Dans ces anciens appartements, les tissus précieux ont retrouvé leur place dans une scénographie de restitution. Grâce à un partenariat avec la manufacture lyonnaise Tassinari & Chatel (fondée par Louis XIV), les commissaires Alexandre Maral et Mathieu Da Vinha ont pu installer, en se reportant à l’inventaire de 1708 du Garde-Meuble de la Couronne, des interprétations du décor textile.
À travers des peintures, des correspondances, des objets d’art, des livres et des almanachs, le parcours chronologique mène de la conciergerie de la prison de Niort aux ors de la cour versaillaise, en passant par la sobriété classique de la Maison royale de Saint-Louis, ce pensionnat pour jeunes filles à Saint-Cyr, et la légèreté des salons des précieuses parisiennes.
Nul besoin de romancer la trajectoire de Françoise d’Aubigné : sa vie est déjà un roman, fait de drames, de retournements de situation et d’heureuses rencontres. Et pourtant, les traces du chemin parcouru par la dernière épouse de Louis XIV sont ténues : ses portraits sont rares et sa correspondance limitée – peu avant sa mort, elle organise elle-même la destruction de ses archives. « Me voilà hors d’état de prouver que j’ai été bien avec le roi », dira-t-elle. Les commissaires ont voulu démêler les fils de la légende, réunissant portraits avérés et portraits présumés ; chroniques de ses contemporains dont la marquise de Sévigné, qui décrit presque au jour le jour l’ascension sociale de son amie ; représentation officielle et imagerie populaire. Et donner à voir la préciosité de son intérieur, en réunissant quelques œuvres d’art dont elle s’était entourée à Versailles.
Jeune aristocrate ambitieuse et sans le sou dans la première antichambre, gouvernante discrète et assagie dans la deuxième, favorite du roi puis épouse morganatique dans la chambre, presque reine et Première institutrice de France dans le Grand Cabinet. Épouse de roi sans être reine après un mariage secret mais connu de tous, le statut de Madame de Maintenon est unique dans l’histoire de France. Son iconographie le démontre. Son portrait par Pierre Mignard, Françoise d’Aubigné, marquise de Maintenon, en sainte Françoise romaine [voir ill.], la montre dans un intérieur dépouillé, revêtue d’une robe de brocart brun. Seul son manteau en velours bleu doublé d’hermine signale son privilège : ce vêtement était réservé aux reines. Dans une représentation de l’Almanach, la famille royale s’étale derrière Louis XIV, enfants et petits-enfants bien en rangs. On pourrait rater Madame de Maintenon, elle est pourtant centrale, mais représentée de dos. « Laissons de nous le moins que nous pourrons » : entrée dans l’Histoire, Françoise d’Aubigné a malgré elle laissé quelques traces.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°523 du 10 mai 2019, avec le titre suivant : Dans les pas d’une presque reine