Dans le Rio Branco avec Huebner

Nulle histoire de la photographie ne mentionne George Huebner (1862-1935). Pourtant, cet homme d’origine allemande fut l’un des plus importants photographes du nord de l’Amazonie au tournant du siècle dernier. Entre 1888 et 1891, il parcourt l’Ucayali, vaste et mystérieuse région aux confins du Pérou et du Brésil. De ces expéditions dangereuses et riches en péripéties, il rapporte quelques dizaines d’images rongées par l’humidité. Il s’établit alors à Manaus et fonde un studio professionnel. Débute alors une carrière prospère où il enregistre avec minutie les mille détails de la vie quotidienne. Son activité se répartit désormais entre les commandes (mariages, vachers du Rio Branco et surtout riches bourgeois qui profitent du boum du caoutchouc) et des vues considérées alors comme plus anecdotiques (Indiens de la région d’Iquitos, reflets d’eau, façade du nouvel opéra). À partir de 1921, il se lance dans la production de cartes postales et de publications illustrées, débute une espèce d’inventaire photographique des diverses plantes inconnues qu’il rencontre lors de ses pérégrinations. À sa mort en 1935, son studio est désormais riche de plusieurs milliers d’images uniques. Hélas, l’occupation de la ville par les Allemands et les Italiens en 1944 allait réduire à néant les efforts de toute une vie. Ses archives sont pillées, détruites, dispersées. Ses négatifs verres sont soigneusement lavés pour ensuite être vendus comme verre ordinaire. Autant dire que l’actuelle exposition constitue une sorte de résurrection pour un photographe qui avait réussi à produire des images qui, loin d’être de simples témoignages exotiques, proposaient une vision atypique dans l’histoire de la photographie.