À la galerie Daniel Templon, à Paris, Daniel Dezeuze poursuit ses aventures picturales empreintes de légèreté où il est fait appel à des matériaux incertains tandis que des « Tableaux-valises » (2015) accompagnent une série de dessins à l’emblème du papillon.
L’accrochage de cette exposition alterne avec beaucoup de régularité des travaux picturaux et des dessins aux motifs de papillons. Comment avez-vous pensé cet ordonnancement ?
Cette exposition devait être essentiellement du dessin mais je me suis aperçu que de grands alignements de sous-verre étaient un peu fastidieux pour le spectateur. J’ai alors décidé d’ajouter des petites pièces récentes, pour la plupart très colorées, qui viennent scander la linéarité des dessins, et y amener aussi un élément de densité colorée. Parce que finalement ces petites œuvres sur panneaux de bois qui ont à voir avec le tableau et avec la peinture elle-même sont assez concentrées, elles font même appel à la contraction dans certains cas. Les dessins représentent au contraire une sorte d’expansion dans l’air, avec ces papillons dotés d’un mouvement ascensionnel auxquels je donne une certaine vitesse. On a donc un double mouvement. Et au centre, vous trouvez des « Tableaux-valises » qui sont réalisés en trois dimensions, et extrêmement colorés. Dans cette salle il fallait mettre une présence tridimensionnelle et chromatique assez intense. En revanche au mur c’est peut-être plus discret, même les vols de papillons peuvent aller dans l’évanescence.
Estimez-vous procéder encore aujourd’hui à un traitement analytique de la peinture, par morceaux, par fragments ?
Oui, c’est un aspect de mon travail. La question du tableau me préoccupe, la question de l’écran également. Nous sommes envahis de formats numériques, tout le monde travaille sur des écrans, cela évoque une prolifération de tableaux, du moins dans un type de format. Ce n’est pas du tout la même lumière ni le même mouvement, mais c’est tout de même une chose qui m’intrigue, cette espèce de contrat spatial avec l’écran – ou le tableau. La question du tableau est culturelle, il y a des civilisations qui ne connaissent pas le tableau, donc cela m’interroge également. Souvent j’essaye de résoudre ce problème par la 3e dimension, car le tableau, l’écran, c’est un plan. J’y réponds par le biais par exemple de ces « Tableaux-valises » qui forment des reliefs, ou par les formats que je dilate ou auxquels je donne une forme qui n’est pas celle du rectangle ni du carré. Cette question du châssis en tant que donnée culturelle me poursuit depuis longtemps, de même que celle du plan du tableau en tant que relation avec un plan et un miroir, parce que le miroir est une chose très étrange. L’écran dans le numérique n’est pas un miroir, en revanche dans l’histoire de la peinture le tableau a à voir avec la question du miroir, beaucoup de peintres ont travaillé là-dessus. Donc cette analyse des constituants du tableau est toujours sous-jacente effectivement, en particulier celle du format qui rejoint aussi l’ère numérique.
Le vide est très important dans votre œuvre. Vous travaillez encore beaucoup avec des croisillons, des échelles, des résilles. Le vide est-il pour vous une contingence de la peinture ou du tableau ?
Dans la peinture classique on a chassé le vide, moi je le ramène mais d’une manière pas du tout absolue comme l’a fait Yves Klein. Je le ramène d’une manière discrète par des résilles, par des ajours, de façon à donner le sentiment que l’air passe à travers les dessins, les peintures, les Valises, que le plan est traversé par une espèce de ventilation permanente. Les impressionnistes ont essayé de saisir l’air eux aussi, et l’ont fait magnifiquement bien. C’est aussi ma préoccupation, mais ma façon est complètement différente.
Je travaille également sur la notion de poids et de légèreté. J’ai donc allégé ces volumes que sont les Valises, placé des résilles sur leurs flancs, puis je les ai peintes. En fait elles sont extrêmement légères. Je pense que les papillons ont aussi à voir avec la légèreté, même s’ils sont frivoles dans un certain sens, et ce mot ne me fait pas peur. Et puis les objets qui scandent l’accrochage sont souvent ajourés. Cette question de l’air, de l’ajour et de l’évidement des volumes me passionne depuis toujours en effet.
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Daniel Dezeuze : « La question de l’air et de l’évidement me passionne »
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 20 février, Galerie Daniel Templon, impasse Beaubourg, 75003 Paris, tél. 01 42 72 14 10, www.danieltemplon.com, tlj sauf dimanche-lundi 10h-19h.
Légende photo
Daniel Dezeuze, Vol de papillons, étude, 2004, pastel sur canson. © Daniel Dezeuze, courtesy Galerie Templon, Paris et Bruxelles.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°449 du 22 janvier 2016, avec le titre suivant : Daniel Dezeuze : « La question de l’air et de l’évidement me passionne »