L’un est belge, l’autre espagnol. L’un est souvent taxé de petit-bourgeois, l’autre a traversé sa vie de manière totalement déjantée.
Le premier connut une reconnaissance tardive, tandis que le second fut très vite placé sous les feux des projecteurs. À priori rien ne destinait Salvador Dalí (1904-1989) et René Magritte (1898-1967) à s’influencer. Pourtant, un vrai dialogue s’est noué entre ces deux maîtres. Et c’est bien là ce que parvient à montrer avec succès l’exposition des Musées royaux des beaux-arts de Bruxelles, qui prolonge et élargit – on passe de quarante à une centaine de pièces – l’exposition qui s’est tenue l’an dernier au Dalí Museum de St. Petersburg en Floride. Nous savons que les deux hommes se sont rencontrés à Paris en 1929. Tous deux réfutent l’idée chère à Breton de l’automatisme psychique et partagent la quête d’une peinture visant à saborder les illusions du réalisme. La même année, Dalí invite Magritte à passer l’été à Cadaqués, où ce dernier peint Le Temps menaçant. Cette toile majeure pour la démonstration n’a malheureusement pas pu faire l’objet d’un prêt. Elle ouvre pourtant l’exposition par le biais d’un dispositif numérique. La suite du parcours est thématique. Soit au total dix sections comme « Œil – Avant-garde », « Rêve – Hallucination », « Georgette-Gala »… au sein desquelles chaque artiste est présent. Orchestrer ainsi de multiples face-à-face permet de mettre en évidence autant les divergences que les similitudes entre les deux peintres. Le jeu d’influence va jusqu’à l’emprunt de motifs visuels. Dalí, par exemple, emprunte à Magritte l’idée de peindre des objets improbables prenant feu ou encore un buste de femme nue qui est présent dans L’Attentat (1932) de Magritte et que l’on retrouve dans la Tentation de saint Antoine (1946) de son compère. Après Magritte, Dalí revisite aussi la sculpture de la Vénus de Milo transformée chez lui en un « cabinet anthropomorphique ». Magritte reprend quant à lui à Dalí et à son « couple aux têtes pleines de nuages » (1937) l’idée de faire coïncider le contour des figures avec le cadre du tableau. Au fil du parcours, c’est une « fabuleuse proximité dans la différence » qui se dessine, pour reprendre les mots du commissaire Michel Draguet. Et chaque artiste n’en apparaît que plus singulier.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°729 du 1 décembre 2019, avec le titre suivant : Dalí-Magritte : Le face-à-face de deux titans du surréalisme