Comment le sculpteur, qui œuvre en trois dimensions et sait par cœur la complexité comme la complexion des corps, a-t-il représenté les travailleurs ? Comment, dans le marbre, l’airain ou le plâtre, est-il possible de dire le muscle qui se crispe, la veine qui saille et la sueur qui perle, tout ce labeur qui surgit avec l’essor de la société industrielle – forgerons, chaudronniers, mineurs, marteleurs ? Aux sculptures allégoriques, héroïsant le travailleur à la manière d’une divinité grecque, quand l’ouvrier est moins un manœuvre qu’un « hercule qui prend la pose un manche de pelle à la main » (Alfred Boucher,
À la terre,
vers 1890), font face des œuvres éminemment réalistes, explorant sans concession la condition industrieuse de l’homme moderne dont le repos mérité (Jules Dalou,
Terrassier,
1890) est parfois éternel (Constantin Meunier,
Le Grisou.
Femme retrouvant son fils parmi les morts,
1889). Vertu républicaine par excellence, le travail donne lieu à des projets monumentaux, ainsi de
La Tour du travail
(1898-1907) d’Auguste Rodin, vertigineuse sculpture babélienne jamais réalisée, ou du monument aux morts de Montceau-les-Mines, chef-d’œuvre synthétique d’Antoine Bourdelle inauguré posthumément, en 1930. Car travailler, c’est vivre ou, à défaut, survivre, subsister. C’est tanner sa peau à la chaleur des fourneaux, et parfois la laisser sur le métier, dans l’obscurité et la misère, là où la sculpture pouvait enfin transiger avec la postérité. D’une humanité anonyme mais inoubliable.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Pas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €
Cet article a été publié dans L'ŒIL
n°745 du 1 juillet 2021, avec le titre suivant : D’airain et de sueur