Couleur et lumière du nu

Quoiqu’il n’ait jamais été abandonné, les artistes s’en saisissent nouvellement, non en quête d’un quelconque idéal féminin, mais bien plus pour servir la libération de la peinture des contraintes du sujet. De par sa nature qui sous-tend l’idée de dépouillement et une confrontation directe à la chair, le thème du nu offre aux artistes l’occasion de ne pas s’embarrasser des détours de la narration afin de composer de plein fouet avec la matière – c’est-à-dire la couleur – et avec la lumière.
Qu’elle soit imaginaire, identifiée ou anonyme, la figure du nu féminin doit évidemment à celle d’Ève dans la culture judéo-chrétienne. Si celle-ci passe pour être la figure mère de toute humanité et que celle du nu a pu être investie d’une telle charge dans le passé, l’exposition du Cannet témoigne d’un tout autre objectif. Il y va notamment d’une dimension sensuelle, voire érotique, clairement exprimée, que la pudeur de la morale a longtemps retenue et que favorise l’autonomie de la peinture en tant que médium.
De Gauguin à Bonnard, en passant par Rodin, Matisse, Picasso, Derain, Van Dongen, Chagall, parmi d’autres, nombreux sont les artistes qui s’en prennent à ce thème pour ce qu’il leur permet de traduire quelque chose d’une jouissance visuelle, d’un plaisir voluptueux, de l’intimité d’un ressenti, bref d’un rapport au monde pleinement incarné. Le nu, comme pour certifier une présence.