Correspondances hispaniques

Le pari est réussi, dans le choix des artistes comme dans la manière de les intégrer au lieu. Ouvrant le parcours, les gravures et dessins de Nahaj Albukaï (né à Homs en 1970). Enfermé et torturé dans les geôles de Bachar Al-Assad, l’artiste est parvenu à s’échapper, a rejoint le Liban, puis la France en 2017. Ses œuvres sont confrontées à des planches des Désastres de la guerre de Goya, qu’il connaît bien pour les avoir minutieusement copiées. Ici l’on plonge dans la noirceur de l’histoire et les horreurs des conflits, de l’Espagne à la Syrie, d’hier à aujourd’hui. Délicate et poétique, l’œuvre d’Eve Malherbe (née en 1987) revisite quant à elle le nu féminin et le thème du drapé, à l’aune du Siècle d’or espagnol. Une œuvre où l’érotisme bascule vers quelque chose de funèbre, de l’ordre du fragment et de la disparition. Ce travail intimiste est mis en valeur dans l’écrin du cabinet d’arts graphiques du XXe siècle. Quant à Arnaud Rochard (né en 1986), son univers coloré et géométrique résonne parfaitement avec le vocabulaire décoratif de la Salle des états diocésains, ornée de faux marbre en trompe-l’œil. Gravure, céramique, peinture et dessin : l’ensemble des œuvres de cet artiste, peuplées de forêts imaginaires et de chevaliers, revisite l’art hispanique dans un univers poétique très libre, des retables espagnols médiévaux à la tradition des azulejos. Qu’elle soit tour à tour baroque, poétique ou engagée, l’exposition révèle ainsi avec justesse une riche filiation entre les artistes d’hier et ceux d’aujourd’hui.