Contre le refus de l’autre

Depuis son ouverture en septembre 1994 dans une ancienne usine du centre ville, le Musée d’Art moderne et contemporain de Genève ne cesse de montrer dans un même lieu des œuvres et des artistes hétérogènes.
La question de « l’universalisme » est abordée sous un angle particulier, comme si son unique fonction était de masquer les frontières de chaque communauté humaine, comme si, au fond, elle n’était que le prétexte commode pour certains citoyens de réaffirmer leur refus de l’autre et de l’altérité. Ce versant sombre de notre imaginaire collectif est exemplaire chez Haralampi G. Oroschakoff. Deux registres de peintures radicalement différentes se côtoient. Les premières pastichent les toiles orientalistes du XIXe siècle. Les secondes proposent un entrelac de signes et d’écritures abstraites comparables à des géographies utopiques. Ces topologies imaginaires fustigent cette part de l’idéologie occidentale qui n’a eu de cesse de réaffirmer sa supériorité sur ses voisins (l’Orient, l’Afrique) en projetant dangereusement sur ces cultures des représentations stéréotypées. Richard Onyango apporte une autre réponse à cette problématique. Ce Kenyan qui fut tour à tour peintre d’enseignes, conducteur de bus, styliste, agriculteur et dresseur d’animaux présente des peintures représentant Drosie, sa femme. Les fantasmes de domination et de soumission que l’Afrique projette sur l’Occident s’incarnent ici dans la figure de cette plantureuse femme blanche, objet inaccessible et symbole de tous les désirs. De même, Stéphane Lallemand érige le dilettantisme au rang de vertu politique. En réalisant des copies d’œuvres de Titien, Courbet, Picasso, à l’aide de Télécrans l’artiste indique que la virtuosité, à la base de notre système de jugement artistique occidental, n’a plus lieu d’être dans un monde où la consommation de masse semble s’affirmer en règle de vie absolue.