Avec ses sabres, son arc et ses flèches, son visage terrifiant, le samouraï nous fascine. Dans son exposition « L’arc et le sabre », le Musée Guimet nous invite à entrer dans l’imaginaire guerrier qui s’est construit autour d’eux au Japon.
Cette pièce archéologique, antérieure à l’introduction du bouddhisme au Japon, représente un guerrier gardien de tombe, muni d’une épée. Il ne s’agit pas encore d’un samouraï. « Ce n’est qu’à partir de la fin du IXe siècle que se constitue peu à peu le code social et vestimentaire qui marque l’émergence des bushis, plus tard appelés samouraïs », explique Vincent Lefèvre, commissaire de l’exposition « L’arc et le sabre » au Musée Guimet. Ces derniers forment de petits groupes armés constitués autour des notables provinciaux au service de la cour impériale, dans les territoires éloignés du pouvoir central. Ces clans sont régis par des liens de loyauté, de fidélité et de dépendance aux seigneurs qui assurent leur subsistance. Comme dans l’Europe médiévale, des guerres féodales ébranlent alors les populations. Pendant l’ère d’Edo cependant, de 1603 à 1868, une paix durable s’installe : si elle se veut toujours guerrière, l’aristocratie cultive les arts et les lettres, et fantasme le combat. La figure du samouraï fleurit alors dans l’art japonais
La classe des samouraïs est régie par un code vestimentaire particulier. Elle se distingue surtout par le port de deux sabres, un grand et un petit, dont elle a le monopole. « Seuls les samouraïs ont le droit de les porter », insiste Vincent Lefèvre. Cependant, après plusieurs siècles de guerres incessantes, entre le début du XVIIe siècle et le milieu du XIXe, à l’époque d’Edo, marquée par l’asservissement du seigneur à l’empereur, le Japon se ferme au reste du monde et instaure la paix. Les samouraïs deviennent alors progressivement des administrateurs. Mais pas question de renoncer au maniement des armes : ils conservent leurs attributs militaires et fantasment la guerre. Les membres de l’aristocratie ont ainsi la charge d’entretenir une armure et un casque, devenus objets de cérémonie et de parade, à l’instar de ce casque. Si celui-ci, qui date du XVIIIe siècle, n’a pas été utilisé au combat, il perpétue des formes traditionnelles. Sous la visière, un masque est censé protéger le visage et la gorge de l’arc et du sabre, en même temps qu’il doit épouvanter. « Cette esthétique sera plus tard reprise dans les mangas, voire pour Dark Vador ! », observe Vincent Lefèvre. Ce sont les éléments décoratifs sur le sommet du casque qui permettent d’identifier celui qui le porte, un peu comme l’écu dans nos sociétés médiévales.
Ancré dans la culture japonaise, le théâtre met souvent en scène les vertus des samouraïs. Le théâtre nô, qui s’inscrit dans le sillage de la littérature classique en abordant des sujets sérieux, tirés de l’épopée, met en scène des héros guerriers. Soutenu en tant que production artistique par la classe des samouraïs, le costume y occupe une place importante et codifiée, permettant d’identifier le personnage qui se meut lentement sur une scène sans décor. À côté de cet art aristocratique, qui remonte au XIVe siècle, se développe à l’époque d’Edo le kabuki. Cet art populaire et bourgeois, plus vivant et animé, revêt parfois une dimension parodique. Les samouraïs peuvent y apparaître parodiés et raillés. Quant aux acteurs, ils sont parfois de véritables stars ! Les estampes comme celle-ci, qui les représentent dans un rôle célèbre, avec une mine particulièrement expressive, accroissent leur notoriété.
En 1701, autour de la ville d’Akō, un groupe de samouraïs se retrouva sans maître, Asano Naganori ayant été chargé d’organiser l’accueil d’un shogun (« seigneur ») qui se rendait à la cour de l’empereur. Il devait pour cela être initié au strict protocole présidant à cette occasion par le maître de cérémonie Kira Yoshinaka, qu’il blessa au visage. Pour avoir dégainé son arme dans un palais seigneurial, il fut condamné au suicide par éventration (seppuku), et ses terres furent confisquées. Les samouraïs à son service devinrent ainsi des ronins, des hommes d’armes errants. Pour venger leur maître auquel ils étaient restés fidèles par-delà la mort, ils tuèrent Kira Yoshinaka l’année suivante. Les quarante-sept ronins furent alors à leur tour condamnés au seppuku. Cette histoire véridique exaltant le code d’honneur des samouraïs inspira de nombreuses pièces de théâtre. La plus célèbre, Kanadehon Chūshingura, représentée en kabuki en 1749, fut immortalisée par de nombreux artistes de l’époque d’Edo, comme ici Hiroshige, qui lui consacra une série de dix-neuf estampes.
Quelle pièce étonnante ! Conçu avec une toile épaisse matelassée pour protéger les soldats du feu, ce costume est orné d’une figure de guerrier, dont on imagine qu’elle a une dimension protectrice. Cette représentation reprend les attributs du samouraï : deux sabres, l’un devant, l’autre derrière le personnage, un carquois avec des flèches, un casque et une armure. L’armure du samouraï est constituée de plusieurs éléments séparés les uns des autres : une tunique couvrant le torse et le dos, des manches nouées sur le corps couvrant les avant-bras, des éléments de jute couvrant les cuisses sous la tunique, ainsi que des jambières. Derrière le guerrier terrassant un dragon, apparaît sans doute une divinité protectrice surgissant de l’eau.
Des femmes qui s’exercent au combat à la manière des samouraïs masculins ? C’est en effet ce que montre cette estampe de l’époque Meiji, à la fin du XIXe siècle. Le Japon s’ouvre alors au monde et se modernise ; les samouraïs disparaissent et le port du sabre est interdit. « C’est alors qu’ils entrent dans la légende. C’est un peu ce qui s’est passé avec l’adoubement de François Ier sur le champ de Marignan en 1515 par le chevalier Bayard. Ce moment marque paradoxalement la fin de l’époque des chevaliers, hissant dès lors ces derniers au statut de mythe ! », remarque Vincent Lefèvre. Cette scène, qui a lieu dans un palais et relève plutôt du divertissement, rappelle néanmoins que des femmes samouraïs ont existé, même si elles furent peu nombreuses.
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Comprendre l’imaginaire guerrier du Japon
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°753 du 1 avril 2022, avec le titre suivant : Comprendre l’imaginaire guerrier du Japon