Le Musée des beaux-arts de Rouen révèle l’œuvre de Nicolas Colombel, artiste du Grand Siècle souvent réduit à son admiration marquée pour Poussin.
ROUEN - Longtemps resté dans l’ombre de Poussin, son aîné, Nicolas Colombel (vers 1644/1646-1717) a d’abord fait carrière à Rome avant de revenir en France, où il est le seul peintre reçu sous le directorat de Pierre Mignard à l’Académie royale de peinture et de sculpture, en 1694, avec son tableau Mars et Rhéa Silvia. Propriété de l’Ensba [École nationale supérieure des beaux-arts], à Paris, l’œuvre a aujourd’hui rejoint les cimaises du Musée des beaux-arts de Rouen pour une première exposition monographique consacrée à l’artiste originaire de Normandie. La manifestation, qui s’accompagne du catalogue raisonné des peintures et dessins de Colombel, réunit près de la moitié de ses œuvres connues.
« D’une froide sensualité »
Oublié dès le XVIIIe siècle, ou mentionné simplement comme l’un des nombreux suiveurs de Poussin, Nicolas Colombel réapparaît véritablement en 1970 sous la plume d’Anthony Blunt dans la Revue de l’Art. Les décennies suivantes sont celles de la réhabilitation, à l’instar de nombreux peintres du Grand Siècle, tels Lubin Baugin ou Laurent de La Hyre. Colombel devient, lui aussi, objet de convoitises sur le marché, et fait son entrée dans les musées et chez les collectionneurs privés. L’une des dernières acquisitions en date, La Course d’Hippomène et d’Atalante, achetée en 2008 par le prince de Lichtenstein, est ici accrochée.
Quarante ans après l’article de Blunt, l’heure était venue de faire un bilan sur les différentes recherches menées autour du peintre. C’est ce que réalise avec brio l’exposition du musée rouennais. Organisé selon une trame chronologique, le parcours est scindé en deux grandes parties : les treize années passées à Rome durant lesquelles, en 1684, Nicolas Colombel est reçu à la congrégation des Virtuosi al Pantheon, qui réunit les artistes les plus en vogue, puis la période parisienne. De ses années de formation on sait peut de chose. Originaire de Sotteville-lès-Rouen, Colombel a longtemps été considéré, à tort, comme un élève d’Eustache Le Sueur. Probablement formé à Paris, il se rend à Rome avant 1678 où il s’essaye au modèle poussinien. Nombre de tableaux des années romaines, comme le souligne dans le catalogue Karen Chastagnol, commissaire de l’exposition, constituent de véritables pastiches d’œuvres de Poussin. En témoigne Moïse exposé sur les eaux, qui s’inspire du tableau conservé à l’Ashmolean Museum d’Oxford sans parvenir à l’égaler.
Dans un texte à l’intitulé éloquent – « N’est pas Poussin qui veut » –, l’historien de l’art Pierre Rosenberg revient sur les tentatives de Colombel pour suivre les traces du maître des Andelys qu’il admirait tant : « Ceux qui se sont essayés à l’imiter s’y sont brûlé les ailes. Parmi ses victimes, il faut sans nul doute compter Colombel. Une des plus méritoires, une des plus attachantes de ses victimes. » Rosenberg salue cependant ici « la rigueur et la sévérité des compositions », la « froideur glacée, cet air cristallin qui cisèle plantes et fleurs ». Si ses contemporains louaient les compositions rigoureuses de Colombel, sa maîtrise de la perspective, sa palette lumineuse, ses architectures et paysages soignés, ils lui reprochaient aussi sa manière un peu rude, ses personnages presque figés. Avec les années parisiennes, sous l’influence de Mignard, le coloris se fait plus léger, le style, plus raffiné, épuré. La peinture est « plus séduisante et d’une froide sensualité », résume Karen Chastagnol. En témoignent Mars et Rhéa Silvia, Psyché abandonnée par l’amour ou encore Portrait d’une femme sous les traits de Diane au retour de la chasse (1698).
Pour Karen Chastagnol, c’est dans ce type de portrait mythologique narratif qu’il faut chercher l’originalité de sa peinture. Il y élabore ses compositions selon des règles « moins rigides », déclinant les motifs et idées à l’infini pour obtenir des tableaux « colorés, joyeux, délicats », à l’exemple de Portrait de femme sous les traits d’une source ou de Portrait d’Agnès Berthelot de Pléneuf et de sa fille sous les traits de Vénus et l’amour. Si Colombel fut très probablement un dessinateur prolifique, le nombre des dessins connus est modeste – le fonds de son atelier a peut-être été détruit. Le Musée des beaux-arts de Rouen en présente une petite sélection : des feuilles soignées et précises révélant un peintre qui avait résolument choisi le parti du disegno. Un peintre sous influences que la présente exposition révèle dans toute sa singularité.
Jusqu’au 24 février, Musée des beaux-arts, esplanade Marcel-Duchamp, 76000 Rouen, tél. 02 35 71 28 40, tlj sauf mardi, 10h-18h.
Catalogue : 230 p., 39 €.
Voir la fiche de l'exposition : Nicolas Colombel (1644-1717) : L'idéal et la grâce
Commissariat scientifique : Karen Chastagnol, doctorante en histoire de l’art à l’université de Lille-III
Commissariat général : Diederik BakhuÁ¿s, conservateur au Musée des beaux-arts de Rouen
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Colombel, l’autre Nicolas
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Affiche de l'exposition « Nicolas Colombel (1644-1717) : L'idéal et la grâce » au Musée des beaux-arts (Rouen) , du 9 novembre 2012 au 24 février 2013.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°383 du 18 janvier 2013, avec le titre suivant : Colombel, l’autre Nicolas