Actif de 1975 à 1980 et composé de Jean-Paul Albinet, Philippe Cazal et Wilfrid Rouff, le collectif Untel réactualise son œuvre Touriste (1978) à la galerie MFC Michèle Didier, à Paris.
Vous venez d’éditer une chemise venant compléter le costume de vos performances Touriste (1978). S’agit-il d’une reformation du groupe ou d’un nouvel acte ?
Le groupe s’est arrêté en novembre 1980 après sa dernière exposition à New York. Les choses se sont réactualisées depuis un certain temps, puisque nous avons eu la chance d’avoir une sorte de mini-rétrospective à Noisy-le-Sec (en 2002). Quarante ans plus tard, remettre en scène, reformuler des propositions issues de ce groupe Untel, cela permet de constater que ce matériau et ces idées ont toujours une pertinence et une certaine actualité, et que c’est désormais un fait reconnu.
Cette chemise manquait-elle au costume ?
Au cours d’une conversation avec Michèle Didier nous avons parlé de cette pièce Touriste qui dormait dans nos réserves. À cette époque nous avions un costume complet avec pantalon, veste et tee-shirt. Et Michèle a dit « mais pourquoi ne ferions-nous pas une chemise ? » La question au fond n’est pas de faire de nouvelles pièces, nous ne sommes pas d’anciens combattants qui reviennent tout d’un coup pour montrer qu’ils existent. La question se pose plutôt sur la manière de réactualiser des pièces de cette époque-là. Une époque où tout était possible, sans interdictions, avec peu d’empêchements, et où nous travaillions dans la rue car il n’y avait pas de lieux pour nous recevoir ; et finalement nous sommes entrés dans l’institution mais par d’autres portes. Cette chemise est donc juste une réactualisation de la pièce de l’époque, mais avec les outils et l’actualité d’aujourd’hui. C’est assez intéressant de pouvoir faire réapparaître un objet de 1978 dans une autre configuration, puisque nous avons transformé l’espace de la galerie en une sorte de boutique de mode.
Quand vous vous êtes intéressés à l’image et à l’attitude du touriste, s’agissait-il de commenter les bouleversements sociologiques du paysage urbain qui commençaient à se mettre en place ?
Le titre de l’exposition, « L’art d’être touriste », a une certaine pertinence aujourd’hui. On n’a peut-être pas mesuré la portée de ce geste en 1978, mais au vu de tout ce qui s’est récemment passé dans le tourisme, porter un regard là-dessus avec un certain décalage et parfois même de l’humour était sans doute pertinent et intéressant. Untel a eu deux grandes lignes directrices. Sous l’influence peut-être de l’lnternationale situationniste et de Guy Debord, nous nous sommes intéressés dans les années 1975 à la société du spectacle. Notre propos était assez décalé dans le sens ou l’on a fait le spectacle de la société du spectacle avec l’Environnement de type Grand magasin (1977) qui est actuellement au Musée des Beaux-arts de Strasbourg. Le tourisme était le deuxième axe important, puisque c’est devenu le spectacle du spectacle de la société de consommation. C’est donc un phénomène qui se rajoute à cette société de consommation.
Cet intérêt pour la consommation et la société du spectacle relève-t-il d’une volonté d’aller scruter la banalité des attitudes, des comportements et des modes de vie ?
C’est en effet quelque chose qui nous a intéressé dès le début, cette déambulation dans la ville en étant à la fois des observateurs et en recueillant des informations. Que faire de ces informations ? C’était là l’enjeu. Notre rapport à cet espace urbain était une réponse artistique. Ce n’était pas de dire « voilà ce que l’on doit penser ». Cela tenait de la mise en rapport de l’espace et de la façon dont, nous, en tant qu’artistes, nous pouvions amener quelque chose, dans l’idée aussi de réflexion et de position artistique, par rapport à d’autres qui travaillaient dans un atelier traditionnel.
Le contexte général de l’époque, pour vous artistes, était-il celui d’une contestation du pouvoir politique et culturel, comme elle a pu se manifester lors l’« Expo 72 » voulue par Georges Pompidou par exemple ?
Nous étions déjà dans cet esprit, non seulement contestataire, mais productif d’œuvres à partir d’une position artistique. L’idée n’était pas de contester pour contester, mais d’arriver à s’introduire dans un espace qui n’est pas prévu et où l’on peut finalement montrer des choses. Ce dont on ne se rend pas compte, mais qui était induit dans le fait d’aller faire des performances dans la rue, c’est que nous n’étions pas à la recherche d’un public pour communiquer, nous étions à la recherche d’un public pour entourer la performance qui allait se dérouler.
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Collectif Untel : « 40 ans après, cela a toujours de la pertinence »
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 16 janvier, MFC-Michèle Didier, 66, rue Notre-Dame de Nazareth, 75003 Paris, tél. 01 71 97 49 13, www.micheledidier.com, tlj sauf dimanche-lundi 12h-19h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°448 du 8 janvier 2016, avec le titre suivant : Collectif Untel : « 40 ans après, cela a toujours de la pertinence »