Clichés magyars

La photographie hongroise à Paris

Le Journal des Arts

Le 14 septembre 2001 - 515 mots

L’exposition « Photographies hongroises, des romantismes aux avant-gardes » vient rappeler que Budapest, au cours des années 1880-1930, a été le foyer d’une remarquable école pré-moderniste. Celle-ci a été éclipsée par la reconnaissance même de ces photographes qui ont quitté leur pays à partir de 1920 : Brassaï, Moholy-Nagy ou Kertész.

PARIS - La photographie hongroise tient une place paradoxale dans la déclinaison de ses talents ; on lui accorde d’ordinaire le mérite d’avoir prodigué – par la force des choses, si l’on songe notamment au déclin de la dynastie des Habsbourg, à l’attentat de Sajarevo et à la dépossession majeure du pays lors du traité de paix de 1919 – aux musées européens et américains ses plus prolixes photographes.

Ainsi, Moholgy-Nagy a travaillé au côté de l’écrivain Lajos Kassak qui a animé la revue Ma (Aujourd’hui) fondée en 1916, avant d’aller rejoindre le Bauhaus en 1923 ; Gyula Halász dit Brassaï s’installe, après des études à l’Académie des beaux-arts de Budapest et de Berlin, en 1924 à Paris où il gagne sa vie comme correspondant d’un journal sportif hongrois ; André Friedmann dit Capa, expulsé de Hongrie pour agitation politique, fait la connaissance en 1931 de Cartier-Bresson et de Seymour ; et Erzsébet Landau, connu sous le nom d’Ergy Landau, quitte son pays et le studio de portraits qu’elle avait créé à Budapest pour se fixer à Paris en 1923. En cette école d’exilés, à laquelle appartiennent encore Lucien Hervé ou François Kollar, la photographie hongroise n’en demeure pas moins fertile sur ses propres terres.

C’est l’intérêt de l’exposition que de remonter à un certain âge d’or de la photographie hongroise – mouvement peu connu et continu que touchent le naturalisme, la photographie documentaire, le pictorialisme teinté de nostalgie et d’un humour tout Mitteleuropa – et des premières avant-gardes esthétiques sous l’effet des échanges entre milieux intellectuels et artistiques. La centaine de photographies inédites de la collection du Musée hongrois de la photographie de Kecskemét, qui a fait l’objet d’une campagne de restauration menée par l’Atelier de restauration et de conservation des photographies de la Ville de Paris (ARCP), laisse percevoir l’ouverture de la photographie aux marches des arts magyars – poésie, littérature, ou musique – pour exprimer cette liberté nouvelle de la nation. De Rudolf Balogh (Les Artilleurs, 1915) à József Pécsi (Portrait de Pablo Casals, 1915), d’Olga Máté (Portrait d’enfant nu, 1920) à l’étonnant Pál Funk dit Angelo – qui couvrit dans ses studios des célébrités tels Joséphine Baker ou Béla Bartók –, les photographes hongrois se passionnent pour le traitement des épreuves par un pictorialisme attachant, effets de flous,  paysages urbains et portraits. Cet appétit, entre ouverture et tradition, a mené à partir des années 1920 ces artistes au rang de modernistes. Ces candidats à l’exil plus ou moins forcé, Kertész en tête, offrent à l’âge moderne une nostalgie tout européenne.

- PHOTOGRAPHIES HONGROISES, 1880-1925, jusqu’au 28 octobre, Musée de la vie romantique, hôtel Scheffer-Renan, 16 rue Chaptal, 75009 Paris, tél. 01 48 74 94 38, tlj sauf lundi 10h-18h. Catalogue, 142 p., éd. Paris-Musées Adam Biro, 195 F, ISBN 2-87-660-331-X

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°132 du 14 septembre 2001, avec le titre suivant : Clichés magyars

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