Fauve ou expressionniste ? Telle est la question qui revient sans cesse à propos de l’œuvre d’Auguste Chabaud. Le Musée d’Art moderne de Troyes apporte sa pierre à cette problématique en présentant une série d’œuvres de jeunesse de l’artiste, 100 dessins réalisés entre 1902 et 1908 sur du papier de boucherie. Sur la texture rugueuse de ce support peu commun, l’artiste laisse aller son crayon noir, restituant le manège bariolé de la vie rurale, dépouillé des outrances de la palette fauve. Ramasseurs de pommes de terre, Piqueurs de faux, Tailleurs de vigne s’animent sur un fond couleur terre, dans une veine caustique ou emplie de tendresse et de compassion. « Ces dessins peuvent témoigner que je n’ai rien eu d’un frigide théoricien, que mon art a toujours puisé directement dans la vie... » Derrière ces paroles pointe la farouche indépendance de Chabaud. Certes, l’artiste fait son apprentissage à l’Académie Carrière aux côtés de Derain et Matisse. Il participe au Salon d’Automne de 1907, expose encore avec ses compagnons fauves à l’Armory Show en 1913. Malgré ce parcours commun et des analogies plastiques certaines avec le fauvisme, Chabaud se défie de tout esprit de corps. Impulsif, rageur et solitaire, il rejoint vite sa Provence natale dont il se fait le chantre. Là, l’« ermite de Graveson » vit reclus avec sa femme et ses huit enfants, loin des débats théoriques et du jeu social de la peinture. Il y perd sa notoriété mais y gagne une profonde identité. Chabaud trouve en effet un climat propice à l’épanouissement de son style qui condense, en des lignes simples et robustes, une sensibilité exacerbée. Preuve qu’en ce début de siècle, les tendances expressionnistes ne sont pas l’apanage des pays germaniques.
TROYES, Musée d’Art moderne, jusqu’au 7 juin.
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Chabaud sans fard
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°507 du 1 juin 1999, avec le titre suivant : Chabaud sans fard