Casta Paintings

L’art raciste des colons espagnols

Le Journal des Arts

Le 1 décembre 1996 - 352 mots

Essentiellement produite à la cour des vice-rois du Mexique, du Pérou et de l’Équateur, la \"peinture de caste\" du XVIIIe siècle fournit un ténébreux exemple du zèle déployé par les colonisateurs espagnols pour dresser une classification des métissages entre Espa­gnols, Indiens et esclaves africains.

NEW YORK (de notre correspondant) - Chacun des soixante-dix portraits de caste exposés à l’Americas Society représente un homme et une femme de race différente, accompagnés d’un ou deux de leurs enfants et d’une inscription lapidaire : "De l’union d’un Espagnol et d’une Indienne : un métis" ou "De l’union d’un Espagnol et d’une mulâtresse : un moricaud"… Souvent numérotés et présentés par séries de seize, ces portraits se poursuivent sur plusieurs générations, puisque l’enfant d’un couple interracial devient l’un des deux parents du portrait suivant. Les personnages sont représentés à l’intérieur de leur maison ou sur fond de paysage luxuriant, souvent accompagnés d’objets emblématiques de leur métier. Bien que ces scènes soient d’une qualité artistique très moyenne, leur précision quasi scientifique est riche en informations sur la société coloniale et sur son style de vie. Certains de ces portraits ont été envoyés au Cabinet royal d’histoire naturelle de Madrid, sans doute pour y être exposés comme des curiosités autant que pour leur valeur scientifique supposée. Il est également possible qu’ils aient été utilisés comme propagande pour donner une image d’ordre et de prospérité aux sceptiques restés en Espagne.

Toutefois, les commissaires de l’exposition ont décelé des motifs bien plus sinistres à la création de ces véritables registres raciaux. Après analyse d’écrits de l’époque, ils estiment que la "peinture de caste" a servi à renforcer la doctrine espagnole de la "limpieza de sangre" (la pureté du sang), en présentant les Espagnols comme des hommes cultivés, fortunés et nobles, et les descendants d’Africains et d’Indiens comme des barbares, pauvres et incapables : déjà une "tentative pour donner une pseudo-base biologique à la hiérarchisation sociale et aux difficultés d’insertion"…

CASTA PAINTINGS (Peinture de caste), jusqu’au 22 décembre, Americas Society Art Gallery, 680 Park Avenue, New York, tél. 212-249 8950. Catalogue bilingue (espagnol et anglais) par Ilona Katzew, commissaire de l’exposition.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°31 du 1 décembre 1996, avec le titre suivant : Casta Paintings

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