Avant d’élaborer son outil visuel, la toile industrielle rayée, Daniel Buren fut un peintre abstrait. Il montre pour la première fois au public, trente ans après, ces compositions abstraites.
PARIS - L’exposition présentée par Daniel Buren dans l’espace d’art contemporain du cinéaste Claude Berri est en tous points troublante. Pourquoi un tel artiste éprouve-t-il le besoin de dévoiler les sources de son travail plastique, trente ans après ? Comment justifier une pareille entreprise archéologique, relativement précoce, eu égard à la carrière de l’artiste ? Comme le font les organisateurs eux-mêmes, commençons par la fin : depuis les colonnes du Palais-Royal, qui firent couler de l’encre, plus personne n’ignore Daniel Buren. Les amateurs savent que, en compagnie de Mosset, Toroni et Parmentier, il s’engagea dans une réflexion radicale sur les moyens et les fins de la peinture. Il opta alors pour la toile industrielle à bandes de couleur de 8,7 cm de large. Et déclina cet "outil visuel" dans toutes sorte de situations institutionnelles dites in situ.
Drapeaux, gilets, cabanes, rien n’a échappé à ce signal qui révélait ou mettait en crise l’espace, des Pays-Bas au Japon en passant par les commémorations de Valmy de flatteuse mémoire. Les volumineux écrits de Buren, réunis en trois volumes voici quelques années par le Capc de Bordeaux, assurent une vision à la fois volontariste et dogmatique de sa pratique. Tonitruantes déclarations d’intention, analyses parfois lucides, agressions polémiques, mises au point répétitives : Buren est, nul doute n’est permis, un artiste aussi moderniste que viril. Cette compulsion théorique, toutefois, ne trouvait pas son origine et ses fondements dans le seul ciel éthéré des idées. Nous ignorions jusqu’au samedi 28 septembre 1996 quel peintre sensible il fut au cours des années soixante quatre et soixante soixante-cinq.
Deux années entières et cruciales au cours desquelles Buren s’est essayé à devenir un véritable peintre abstrait comme on pouvait le concevoir à l’époque. L’influence de Matisse, si sensible ailleurs, est pourtant traitée de façon négative : les couleurs sont ternes, l’organique et le géométrique se livrent une bataille incertaine, la technique est délibérément approximative. Le drap de lit coloré qui sert de toile de fond annonce en effet les choix ultérieurs : mais il s’agit bien de peinture, reconnaissable entre autres à quelques parcimonieuses coulures. Le jeune peintre se cherche, et nul, alors, n’aurait songé à le lui reprocher. Aujourd’hui, tandis qu’il est réputé ne plus rien devoir craindre, Buren s’expose à une analyse toute différente de son travail : au lieu d’abîmer le pinceau, il était en effet aussi prudent que sage de laisser parler la bande.
DANIEL BUREN, jusqu’au 28 décembre, Renn Espace d’Art Contemporain 7, rue de Lille, tlj sauf dimanche et lundi, 15h-19 h.
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Buren, peintre abstrait
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°30 du 1 novembre 1996, avec le titre suivant : Buren, peintre abstrait