Le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, à Paris, rend hommage à l’œuvre plastique de Bruno Schulz.
PARIS - On connaissait Bruno Schulz (1892-1942) l’écrivain, mais beaucoup moins l’artiste. Voilà cet oubli rectifié grâce à l’exposition du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme. Pour cette première rétrospective parisienne dévolue à Schulz, sont présentés l’intégralité des clichés-verre du Livre idolâtre (1920-1922), de nombreux dessins ainsi que sa seule peinture à l’huile conservée jusqu’à aujourd’hui. Organisé en collaboration avec le Musée de la littérature Adam-Mickiewicz, à Varsovie, l’événement rappelle, comme le souligne Serge Fauchereau, l’un des commissaires, que « les dessins, gravures et écrits de Bruno Schulz constituent des aspects complémentaires d’une même quête ». De la première salle entièrement consacrée au Livre idolâtre à la dernière sur les fresques de la maison des Landau, se poursuit un dialogue passionnant entre textes et dessins, et ce, en dépit d’une mise en scène parfois maladroite choisissant par exemple l’obscurité pour présenter des gravures déjà très sombres. Toute la richesse de l’œuvre plastique – aujourd’hui encore incomplète – de cet artiste devenu écrivain se voit enfin restituée même si l’on continue à regretter l’absence des dessins et des peintures perdus ou détruits pendant la guerre.
Né dans une famille de religion juive à Drohobycz, petite ville de Galicie orientale (Ukraine actuelle) où il finira toujours par revenir, Bruno Schulz entreprend dès 1920 la réalisation d’un recueil d’une vingtaine de gravures intitulé Le Livre idolâtre. Contrairement à ce que semble indiquer son titre, l’ouvrage ne comprend aucun texte mais bien une série de clichés-verre d’une grande force. Y apparaissent les éléments constitutifs de l’univers schulzien : des femmes fatales sadiques, des hommes soumis, une atmosphère inquiétante et un décor urbain très largement inspiré de sa ville natale. Ces personnages mystérieux (nains, vieillards ou fétichistes) peupleront aussi bien les œuvres plastiques de Schulz que ses textes édités en 1933 et 1937.
« Une même réalité »
Pour l’artiste, dessins et prose ne sont que « des tranches séparées d’une même réalité ». Cette trame commune à toute son œuvre, Schulz la puise dans sa propre vie qu’il transforme au gré de son imagination et de ses fantasmes. Ainsi retrouve-t-on dans certaines de ses compositions des visages d’amis – quand il ne s’agit pas de ses propres traits – qui s’ajoutent à ses exceptionnels autoportraits témoignant d’une parfaite maîtrise du genre autant que d’un esprit torturé. La vie réelle de Schulz a été bien plus noire et plus tragique que ces scènes grivoises ! En effet, l’artiste ne cessera jamais de subir les tourments de l’histoire, et ce, jusqu’à son assassinat le 19 novembre 1942 dans le ghetto juif par un gestapiste nazi, et ennemi de l’officier SS Félix Landau qui garantissait sa protection en échange de quelques travaux comme des fresques pour la chambre de son fils.
Jusqu’au 23 janvier, Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, hôtel de Saint-Aignan, 71, rue du Temple 75003 Paris, tél. 01 53 01 86 60, tlj sauf le sam. 11h-18h, dim. 10h-18h, cat. Denoël, 224 p., 35 euros, ISBN 2-207-25637-5
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Bruno Schulz, l’artiste écrivain
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°205 du 17 décembre 2004, avec le titre suivant : Bruno Schulz, l’artiste écrivain