Remisant le cadavre exquis au rang d’activité égoïste, l’exposition “Lee 3 Tau Ceti Central Armory Show”? de la Villa Arson emmêle autour du thème du dessin près de cent artistes pour transformer le centre d’art en terrain de jeux. S’il prend soin de s’articuler autour de thématiques, l’accrochage vaut davantage pour sa générosité et ses envolées que pour une rigueur dont il n’aurait que faire.
NICE - Au cabinet le dessin semble désormais préférer le terrain. Et si l’activité se pratique souvent seul (et, comme le tennis, contre un mur pour le wall drawing), la Villa Arson en a fait une activité de groupe, délaissant le cadavre exquis au profit de l’occupation collective des surfaces. Le vaste quadrilatère de la galerie carrée du centre d’art niçois a ainsi été pratiqué simultanément par Stéphane Dafflon, Bruno Peinado, Hector, Sabine Lang et Daniel Baumann, le Gentil Garçon mais aussi Olivier Millagou, qui a punaisé une araignée au plafond (Spiderman). Dafflon et Peinado ont eux opté pour une composition à quatre mains et deux couches. Les monochromes graphiques du premier (PM 023) se superposent sur le dripping à fragmentation du second, siglé en négatif par un logo Walt Disney devenu Wild Disney. Au centre, devant le fond aux volutes sensuelles et seventies de Sabine Lang et Daniel Baumann (Beautiful Wall #10), la structure de Stéphane Magnin est dans son élément naturel. Sculpture praticable et imposante, dont une version avait été précédemment montrée au CAPC-Musée d’art contemporain de Bordeaux (lire le JdA n° 158, 8 novembre 2002), sa forme en bois dérive de la mutation d’un crâne humain comme aplati par une gravité trop forte.
Enseignant à la Villa Arson, Stéphane Magnin signe avec l’équipe du centre d’art une proposition conjointe visant à réunir plus de quatre-vingts artistes autour du thème du dessin et de ses prolongements – du gribouillage adolescent à l’animation vidéo, pour tracer une évolution rapide du genre. Accompagné par une bande-son tout en emprunts et rénovations signée par Arnaud Maguet et le groupe Dum Dum Boys, l’accrochage devient foisonnant dans les parties suivantes. Le monumental y côtoie les broutilles. L’occasion donc de voir Noël Dolla (One More, 2003) ressusciter une de ses pièces murales, une cabane remise en perspective par Stéphane Calais (Au pays des aveugles, les borgnes sont rois, 2003), le psychédélisme rigoureux de Philippe Decrauzat (Sans titre) mais aussi de tomber dans la caverne à babioles de Maroussia Rebecq (Perdu, le paradis, 2003).
Comme son titre, “Lee 3 Tau Ceti Central Armory Show”, où se croisent science-fiction (Hyperion, la saga de Dan Simmons régulièrement cité par Magnin dans ses travaux) et art moderne, la manifestation fait de son fil rouge une pelote à tirer dans tous les sens et à ne pas dénouer trop vite. Dès le départ, deux entrées sont possibles : à travers un mur troué par Christian Robert-Tissot (Abracadabra) ou par le passage classique décoré de ronces sombres par Stéphane Magnin. Si, par la suite, des épisodes aiguillent la balade avec programme “érotique” (Klossowki, Jean-Luc Verna, Françoise Quardon...) sur un fond de papier peint de Robert-Tissot (Sans titre, prenant pour motif la lettre “Q”), ou arrière-plan guerrier avec un camouflage de Naoko Okamoto (Here I Am, 2002), une confusion généreuse prévaut dans laquelle se télescopent Martin Kippenberger, Wim Delvoye, Petra Mrzyk et Jean-François Moriceau, Ingrid Luche, Paul Ritter, Bernhard Martin ou encore Jean-Michel Wicker. Mais pour ceux qui en veulent encore, ils peuvent continuer à chercher, comme le suggère la feuille déchirée de Robert Filliou placée en début de parcours :”Il y avait un dessin au coin de cette page.”
Jusqu’au 12 octobre, Villa Arson, 20 avenue Stephen-Liégeard, 06000 Nice, tél. 04 92 07 73 73, tlj sauf mardi 14h-19h.
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Bobine de traits
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°175 du 29 août 2003, avec le titre suivant : Bobine de traits