PARIS
Le thème de ces expositions simultanées dans deux musées est sensible : l’hospitalité, entendue ici comme la réalité politique et humaine de l’accueil des migrants dans les pays riches et en paix.
Au Mac/Val, chaque œuvre apparaît sans digression pouvant brouiller la perception du spectateur. Artiste d’origine palestinienne née en 1952 à Beyrouth et vivant entre Londres et Berlin, Mona Hatoum présente une « forêt » de quarante balançoires sur lesquelles elle a gravé les plans des villes d’origine d’habitants de Vitry-sur-Seine croisés lors d’une résidence au Mac/Val. Clément Cogitore (né à Colmar en 1983) propose quant à lui un film de fiction, Parmi nous (2011). Loin de tout misérabilisme, on y voit Amin, jeune clandestin, rejoindre un campement dans la « jungle de Calais », puis tenter chaque nuit de gagner la zone portuaire pour embarquer sous un camion. Les œuvres présentées au Musée national de l’immigration confrontent également le visiteur à des questionnements et à des émotions liées à ces réalités contemporaines que sont l’exil, les frontières et le statut de réfugié étranger. Avec parfois un beau regard empreint de poésie, tel Dome, réalisé par Moataz Nasr (né en 1961 à Alexandrie, Égypte, vit et travaille au Caire). Projeté par un faisceau lumineux s’échappant d’une yourte en lattes de bois posée sur des morceaux de verre brisé, le mot « Amour » écrit en arabe jaillit comme une présence intemporelle. Mais certains écrits ponctuant l’exposition, proposés par les philosophes Fabienne Brugère et Guillaume Le Blanc, laissent pantois. Telle cette première phrase d’un long texte : « On ne naît pas étranger, on le devient. » Lire ces mots si éloignés de la réalité juridique française dans le musée dédié à l’immigration, également organisateur de passionnants « débats contre les clichés », est sidérant ! Un enfant naissant en France de deux parents étrangers ne peut obtenir la nationalité française, sous certaines conditions, qu’à partir de l’âge de 13 ans. Avant, il est donc considéré comme étranger. S’il quitte la France, il ne peut revenir que muni d’un Tir (Titre d’identité républicain). Quid des enfants nés étrangers en France et de leurs parents qui viendront, souhaitons-le, visiter cette passionnante exposition ?
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°718 du 1 décembre 2018, avec le titre suivant : Bienvenue, reste et tais-toi, ou tire-toi