Betty Bui, le goût du jeu

Par Adrien Goetz · L'ŒIL

Le 1 janvier 2003 - 391 mots

Betty Bui est une sorte d’Alice au pays de merveilles qui aime construire elle-même ses jouets. Amoureuse du lac de Vassivière, au cœur du plateau de Millevaches, dans la forêt limousine, elle y vient plusieurs fois par an, pour voir les œuvres des autres ou pour exposer elle-même dans le centre d’art contemporain construit par Aldo Rossi. Elle a même participé, avec humour et enthousiasme, au mythique « C’Hybert Rallye de Vassivière », organisé l’an dernier par Fabrice Hybert, après le succès de son rallye à Tokyo et avant la version parisienne de l’événement. Comme Hybert, Betty Bui aime l’objet ludique, la recherche de la forme parfaite qui sera transformée en objet, en fenêtre, en maison. Dans la galerie de la Caisse des Dépôts, alors Quai Voltaire, il y a deux ans, elle avait imaginé des chaussures à bascule géantes, dont les visiteurs étaient invités à s’emparer. Elle appartient à cette génération de plasticiens, plutôt jeunes, qui ont d’abord réfléchi au design et à l’architecture avant de se mettre à créer. Avec le réalisateur Gilles Coudert et Hans-Walter Müller, elle assemble aujourd’hui des images, poursuivant son travail sur l’espace public et l’espace privé. Pour Betty Bui, le but de la création aujourd’hui est de « travailler la visibilité et la lisibilité des espaces, transformer notre sens du regard par des jeux de perspectives et des compositions architecturales. »
Elle déclare : « L'ensemble de mon travail se situe dans cet axe de recherche et s'enrichit de motifs figuratifs qui énoncent la possibilité d'un mouvement ou d'un parcours. Il oppose l'idée d'espace public (les fenêtres d'une façade, d'un bâtiment) à celle de l'intime. » Devant une sculpture-objet de Betty Bui, on peut aussi penser à ces planches de L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert qui sont exposées et commentées en ce moment, au Centre Pompidou, dans l’exposition Roland Barthes (voir p. 82-87) : une image double, montrant l’objet d’un côté et de l’autre son usage social ou son histoire, s’inscrivant, dans le beau langage barthésien, quelque part entre « l’axe syntagmatique » et « l’axe paradigmatique ». Sauf que Betty, heureuse et émerveillée, ignorante en apparence de tout ce jargon structuraliste redevenu, par surprise, à la mode, demeure une petite héroïne de Lewis Caroll.

VASSIVIERE, Centre national d’Art et du Paysage, île de Vassivière, tél. 05 55 69 27 27, 12 octobre-9 mars.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°543 du 1 janvier 2003, avec le titre suivant : Betty Bui, le goût du jeu

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