Le photographe français a immortalisé les paysages catalans familiers du maître espagnol.
Barcelone (Espagne). Depuis plus de cinquante ans, le photographe français Bernard Plossu parcourt le monde rapportant des récits photographiques uniques sur tirage Fresson, un procédé de pigmentation au charbon sur papier quadrichrome inventé au XIXe siècle, qui donne à l’image une texture picturale. De 2019 à 2021, il a sillonné les paysages catalans qui ont marqué la jeunesse de Pablo Picasso (1881-1973), les toiles et les dessins de l’artiste pour boussole. L’exposition « Bernard Plossu. Paysages catalans de Picasso » du Musée Picasso de Barcelone met en perspective une sélection de ces photographies et des œuvres du peintre, réalisées entre Horta de Sant Joan, Gósol, Cadaqués et Barcelone.
Après son hommage à la peinture métaphysique de Gorgio Morandi, Bernard Plossu réitère le jeu des correspondances entre photographie et peinture, dans un pays qui a récompensé son travail en 2013 du prix PhotoEspaña. « C’est un grand photographe qui a marqué les photographes espagnols, il est très ami avec certains, comme Alberto García-Alix », indique Emmanuel Guigon, directeur du Musée Picasso de Barcelone, commissaire de l’exposition et ami de Plossu. Admirateur de Picasso, le photographe a déambulé dans les rues étroites de Barcelone et dans la nature catalane, sur les traces du jeune prodige. Si Picasso est andalou, son lien à la Catalogne est devenu indéfectible dès son arrivée à Barcelone en 1895. L’atmosphère intimiste de l’exposition rend hommage au Picasso jeune adulte, construisant son vocabulaire pictural à venir en s’imprégnant profondément des lieux.
Plossu photographie les toits de Barcelone peints à de nombreuses reprises par Picasso, notamment dans sa composition Toits de Barcelone (1903), immortalise les sculptures de marbre conservées à l’Académie provinciale des beaux-arts, dessinés par l’artiste lorsqu’il suivait les cours de dessin d’après l’antique.
À Gósol, Picasso se représente sur son cheval tandis que Plossu capte les paysages entourant le village où l’artiste a créé plus de trois cents tableaux, inspiré par la forme en « u » si particulière de la montagne Pedraforca, « sa montagne Sainte-Victoire à lui », s’amuse le directeur. C’est une époque fondamentale pour la création du cubisme à venir, ses portraits de Fernande à Gósol adoptent une rudesse archaïque tandis que ses paysages géométrisés de Horta de Sant Joan se découpent en facettes. À Cadaqués, où Plossu photographie le port et ses bateaux, Picasso s’engouffre dans la radicalité abstraite, avant de rentrer à Paris.
Le musée poursuit sa mission d’explorer toutes les thématiques portant sur la relation universelle de Picasso à Barcelone. « Le musée barcelonais témoigne de l’amitié de Picasso avec les Catalans, c’est lui qui incite Jaime Sabartés à le créer, en pleine époque franquiste », rappelle Emmanuel Guigon. L’exposition, itinérante, s’arrêtera dans les différentes villes picassiennes, avec la volonté d’ouvrir le musée au public local.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°632 du 26 avril 2024, avec le titre suivant : Bernard Plossu sur les terres de Picasso