Ce taureau ruisselant de sang, serait-ce lui, Bernard Buffet ? Sur la monumentale toile de corrida qui ouvre la rétrospective de l’artiste au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, l’animal se tient debout, quatre piques plantées dans son corps massif, au milieu des fiers toréadors vêtus d’or.
Malgré la douleur et la tristesse, il reste, encore pour quelques instants, force et puissance. Lorsqu’il peint ce tableau aux couleurs hurlantes en 1966, Buffet n’est plus exposé par les institutions et la critique l’attaque, lui qu’elle avait porté aux nues après la guerre. Aussi cette rétrospective, dix-sept ans après le suicide de l’artiste, prend-elle la forme d’une réhabilitation. Chronologique, elle présente l’évolution de ce peintre prolifique qui, dans un style immédiatement reconnaissable, qui lui a valu d’être taxé de « faiseur », n’a cessé de renouveler ses thèmes. Après les subtiles natures mortes, les hommes nus mélancoliques et les crucifixions de sa première période – celle où le jeune prodige était aimé de tous, et plus particulièrement de Pierre Bergé, qui partagea sa vie jusqu’en 1958 –, la couleur envahit ses toiles avec violence. Le bleu de son clown triste jure avec les couleurs rougeoyantes de son Horreur de la guerre. Ici, des musiciens aux teintes criardes se pressent sur une toile monumentale. Là, un homme brandissant sa tête coupée nous précipite dans l’Enfer de Dante. Dans la dernière salle, la mort danse et ricane en habits anciens. On adore, ou on déteste, et l’on comprend aussi, à certains égards, le rejet que cette peinture violente, cathartique, défiant le bon goût, a pu susciter chez les conservateurs des musées. Mais, pour se faire une idée plus précise de cet artiste finalement méconnu pour avoir été mal aimé, il importe de prolonger cette visite par celle de l’exposition que le Musée de Montmartre consacre à ses œuvres plus intimes, issues pour beaucoup de la collection de son fils. On y est surpris de découvrir la tendresse de Buffet : celle pour son épouse Annabel, mais aussi pour l’humanité souffrante. Dans les paysages qu’il aime et qui l’ont touché, son pinceau semble tenter de panser – ou racheter – les blessures de la création.
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Bernard Buffet ressuscité
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Abonnez-vous dès 1 €« Bernard Buffet. Rétrospective »
Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 11, avenue du Président-Wilson, Paris-16e, www.mam.paris.fr
« Bernard Buffet. Intimement »
Musée de Montmartre, 12, rue Cortot, Paris-18e, www.museedemontmartre.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°697 du 1 janvier 2017, avec le titre suivant : Bernard Buffet ressuscité