Et si les machines produisaient de l’art ? C’est l’hypothèse discutée à la Schirn Kunsthalle à grand renfort d’engrenages, engins et machinations de tout poil. On attendait Cloaca, un impeccable et savant tube digestif mécanisé distribuant étrons à la chaîne et réglé par Wim Delvoye. L’exposition opte pour une sélection plus convenable et moins métaphorique, mais partage avec l’homme-machine de l’artiste belge l’idée d’une délégation de compétence. De l’artiste à la machine.
À commencer par l’assise historique du parcours, largement cédée à Jean Tinguely (1925-1991), le champion des folles mécaniques. Le Suisse est chargé du préambule de l’exposition et embrasse à lui seul l’essentiel des pistes explorées un demi-siècle plus tard. Dépliées comme d’agiles membres d’insectes métalliques motorisés, les Méta-Matics ouvrent la danse. D’abord rudimentaires, les mécanismes activés par les spectateurs se sophistiquent et produisent de drôles de dessins abstraits, singeant durement la gestuelle subjective des peintres abstraits dominants de l’après-guerre. Mouvement, flux, critique du tout technologique, de l’individualité créatrice et de l’unicité de l’œuvre d’art, Tinguely libère un faisceau de questions et de commentaires.
Au regard de ce transfert de responsabilité, quel statut pour ces dessins aléatoires produits par la machine ? Quelle autonomie et quel statut pour l’engin ? Son mécanisme ? Son auteur ? Pour le spectateur qui l’active ? Et pour son espace de production ? Autant de questions ressaisies au présent et affinées à l’aune des nouvelles technologies ou du modèle scientifique.
À la Schirn, inutile de chercher quelques machines célibataires dont le mécanisme tournerait en boucle ou à vide. Toutes produisent ou jouent à produire. C’est le cas du dispositif du New‑Yorkais Roxy Paine, Scumak n° 2, sérieux robot industriel produisant en temps réel de sculpturales et molles coulures de plastique, déposées sur un tapis roulant. C’est le cas encore avec les machines de Damien Hirst, promettant de bien Beaux Dessins obtenus par rotation mécanique. Angela Bulloch, Olafur Eliasson, Pawel Althamer, tous rejouent avec légèreté la trinité artiste-œuvre-spectateur. Jusqu’à la signature, assurée par le bras mécanique de Tim Lewis, griffonnant sans mollir la signature de Dalí sur un ruban de papier.
« Kunstmaschinen – ÂMaschinenkunst », Schirn Kunsthalle Frankfurt, ÂRömerberg, D-60311 Francfort (ÂAllemagne), tél. ( 0049) 69 29 98 82-0, www.schirn.de, jusqu’au 27 janvier 2008.
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Ballet de mécaniques
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°598 du 1 janvier 2008, avec le titre suivant : Ballet de mécaniques