NANTES
À Nantes sont réunies les œuvres de plus de cent collectionneurs privés français acquises ces trois dernières années, offrant un instantané des acquisitions récentes en France.
Si l’on devait faire un portrait-robot d’une œuvre récemment acquise par un collectionneur privé français, ce serait une peinture ou une sculpture, réalisée il y a peu par un artiste jeune et lui aussi français. Voici ce que l’on retiendra de la quatrième édition de la triennale « De leur temps » organisée par l’Adiaf et actuellement présentée au Hangar à bananes à Nantes. L’Association pour la diffusion internationale de l’art français – qui promeut des artistes internationaux créant en France – a réuni des œuvres acquises ces trois dernières années par plus de cent collectionneurs français, membres de son organisation. « Il s’agit d’un instantané des collections privées françaises récentes », explique Michel Poitevin, vice-président de l’Adiaf et lui-même collectionneur, à l’origine de l’événement qui fêtera bientôt ses dix ans. Une photographie du paysage français dont il faut d’abord rétablir la distorsion créée par la sélection du comité de l’Adiaf. Car, s’en étonne-t-on, les quatre artistes qui étaient en lice pour le prix Duchamp 2013 remporté par Latifah Echakhch – Claire Fontaine, Farah Atassi, Raphaël Zarka et, bien sûr, Latifah Echakhch – y sont évidemment présents et le vice-président de se féliciter que ce dernier est le plus représenté chez les collectionneurs qui se sont prêté au jeu de la triennale. Chacun se confortant ainsi l’un l’autre dans ses choix. Le comité a également retenu les artistes du cru nantais, lieu de la manifestation, comme Vincent Mauger qui fait partie des « incontournables » avec Loris Gréaud « que l’on ne pouvait pas ne pas exposer », précise le vice-président.
Moins de photographies
Mis à part ce biais lui aussi incontournable, peintures, sculptures et, dans une moindre mesure, installations tiennent donc le haut du pavé, laissant sur le bas-côté la photographie et la vidéo, étonnamment peu présentes dans l’exposition. « Je n’achète plus de vidéo même si j’ai conservé celles que j’avais acquises auparavant. Le prix de ce médium multiple atteint souvent le prix d’une œuvre peinte qui, elle, est unique », souligne le collectionneur grenoblois Bruno Henry qui participe pour la troisième fois à la manifestation en présentant une installation du duo François Loriot et Chantal Mélia (Le Petit Monde de l’art, 1994) et une partie de l’œuvre peinte 5 bodies (2010) de Clemens Krauss avec quatre autres collectionneurs. Il relève par ailleurs l’instabilité des supports vidéo et photo dans le temps et finalement le peu de renouvellement artistique dans ces deux domaines. De son côté, le collectionneur parisien Pierre Pradié, qui a proposé un grand dessin de Frédérique Loutz (Moi, non, 2010), considère le débat peinture/photographie dépassé et remarque simplement que la France est « en train de rattraper son retard » en matière de collections de peintures, toujours aussi demandées en Allemagne et outre-Atlantique. « J’ai acheté de la peinture quand elle était méprisée et je continue depuis », poursuit-il en citant l’achat de sa première œuvre de Marc Desgranchamps en 1994.
Plus de 640 artistes
Si les supports sont restreints, on est en revanche frappé par la quantité et la diversité des artistes qui ont été proposés : plus de 640 au total. La faute, si on en croit les collectionneurs, à la Fiac, Frieze, Art Basel… Pierre Pradié avoue ainsi être « soumis en permanence à la tentation ». Si l’offre est abondante, la demande l’est aussi. En témoigne la nouvelle génération de collectionneurs trentenaires décomplexés, prompte aux découvertes : la nationalité majoritairement française des artistes facilite le dialogue de plus en plus souhaité par ces acheteurs, leur jeunesse relative allant dans le même sens d’une compréhension mutuelle entre générations. Mais elle est aussi une affaire de coût : découvert en galerie ou directement en atelier, le travail d’un jeune artiste est accessible.
C’est ici que le souci de fidélité à une carrière se complique : le collectionneur grenoblois Bruno Henry confie de ne plus pouvoir s’offrir les œuvres de Fabrice Hyber qu’il suivait à ses débuts. Peu attentifs aux sirènes des grands noms de l’art contemporain et parfois loin d’y accéder – on notera toutefois la présence d’un tout petit dessin autographe de Damien Hirst dans l’exposition –, tous font de leurs acquisitions une histoire de passion, de rencontres et de fidélité aux artistes. Cet instantané des collectionneurs « de leur temps » transcende l’opinion médiatique et la valeur monétaire, replaçant la collection privée dans « un choix de l’intime », comme le souligne Pierre Pradié, que ces collectionneurs ont de plus en plus à cœur de faire connaître à travers ce type de manifestation.
Tulipes, l’œuvre de Jeff Koons adjugée 33,7 millions de dollars en 2012, a été vendue par Christie’s et non par Sotheby’s comme indiqué par erreur en novembre.
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Autopsie du collectionneur en France
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Abonnez-vous dès 1 €jusqu’au 5 janvier 2014. Musée des beaux-arts de Nantes – HAB galerie-le Hangar à bananes.
Du mercredi au vendredi de 13 h à 18 h, le samedi et dimanche de 13 h à 19 h. Entrée libre.
Commissaires : Blandine Chavanne et Alice Fleury. www.museedesbeauxarts.nantes.fr
www.adiaf.com
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°663 du 1 décembre 2013, avec le titre suivant : Autopsie du collectionneur en france