Art moderne

XXE SIÈCLE

Auguste Herbin vers l’abstraction radicale

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 8 avril 2024 - 510 mots

PARIS

Le peintre a mené une carrière ancrée dans l’air du temps. Le Musée de Montmartre en retrace les grandes étapes, du fauvisme à l’abstraction.

Paris. Le conservateur Jean Cassou était loin d’être un mystique. Pourtant, au sujet d’Auguste Herbin (1882-1960), il écrit : « Ayant trouvé sa vérité, Herbin lui a consacré sa vie. Et cela avec une patience, une pureté, une ferveur, une foi, on dirait même une sainteté qui réclame la plus grande admiration. » Tout au long du parcours du Musée de Montmartre, à côté des panneaux pédagogiques – très clairs et très utiles –, se trouvent d’autres citations hagiographiques. Si l’exposition est riche et complète, et si Herbin est un peintre de talent qui mérite amplement sa place dans l’histoire de l’art, était-il vraiment nécessaire de lui ériger un tel piédestal ?

Entre figuration et cubisme

L’exposition, organisée par Céline Berchiche, à qui l’on doit une thèse sur l’artiste, et Mario Choueiry, historien de l’art, retrace les différentes étapes de la production picturale d’Herbin. Elle commence par une surprise : un magnifique et mystérieux paysage nocturne qui évoque ceux des symbolistes belges (Paysage nocturne à Lille, 1901). Puis, après quelques toiles impressionnistes, on aborde la période fauve. Tandis que les portraits – comme le Portrait d’Erich Mühsam (1907) et le Portrait de jeune fille de la même année – imposent leur présence, les natures mortes révèlent l’influence notable de Paul Cézanne. Ces dernières évoluent progressivement en compositions cubistes semi-abstraites vers 1918 (Composition cubiste, 1918). C’est aussi à cette époque qu’Herbin s’aventure dans le domaine décoratif (Relief polychrome au miroir, 1921). Durant les années 1930, l’artiste, suivant une tendance générale, opère un « retour à l’ordre ». Pourtant, rien d’académique dans Les Joueurs de boules (1923, voir ill.), où se déroule un « ballet » de personnages hiératiques, chaque mouvement se figeant dans une direction différente. Ailleurs, les paysages urbains offrent une synthèse originale entre figuration et cubisme grâce à des volumes géométrisés s’imbriquant les uns dans les autres. Face à ces représentations monumentales, on se souvient de l’esthétique puriste d’Amédée Ozenfant et de Le Corbusier.

Abstraction radicale

Les deux dernières salles montrent la partie la plus connue de l’œuvre d’Herbin : une abstraction radicale, une « abstraction circulaire », selon les commissaires de l’exposition. En effet, à part quelques triangles, ces compositions dynamiques, constituées d’aplats de couleurs vives, sont souvent traversées par des lignes courbes et ondulantes.

Fasciné par les théories de la couleur, l’artiste crée entre 1939 et 1942 un alphabet plastique où il établit des correspondances entre les formes géométriques, les couleurs et les sons. On y retrouve une forme de synesthésie, cette obsession symboliste, qui a influencé même Vassily Kandinsky.

On a cependant tendance à oublier que cette décomposition élémentaire de la création aboutit parfois à des résultats systématiques. Il reste que cette approche combinatoire d’Herbin, l’un des fondateurs du groupe Abstraction-Création et soutien du Salon des réalités nouvelles (1946-1955), haut lieu de l’abstraction, exerce une influence majeure sur la jeune génération d’après-guerre et même sur l’op art. Le « maître révélé » – selon le titre de l’exposition – n’a jamais vraiment disparu.

Auguste Herbin, le maître révélé,
jusqu’au 15 octobre, Musée de Montmartre, 12, rue Cortot, 75018 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°630 du 29 mars 2024, avec le titre suivant : Auguste Herbin vers l’abstraction radicale

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